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Le Voyage de Serraf
4 avril 2004

Mardi 23 Mars

Mardi 23 Mars

La nuit a été longue. Peu après que l'obscurité soit tombée, de violentes bourrasques de vent ont assailli la montagne, s'engouffrant dans les vallons alentours, sifflant dans les branches des résineux en un brouhaha intermittent.

Une pluie fine s'est mêlée peu à près à ces courants d'air, se changeant en grésil de temps à autre. La température chuta encore, certainement en dessous de zéro.

Malgré un arrimage suffisant de ma tente, les coups de vents rageurs  agitaient la toile extérieur de ma tente en un flottement frénétique que j'avais peine à ignorer pour dormir. Le sol, bien qu'isolé de mon corps par l'empilage des couches de textiles de ma tente, de mon duvet et d'un pull polaire, me transmettait sa froideur qui s'insinuait jusqu'à mon dos.

De plus, la dureté de cette couche rocailleuse m'obligeait à rechercher sans cesse de nouvelles positions.

En somme, je ne pus correctement dormir que jusqu'à 23h00, heure à laquelle j'ai daigné regarder ma montre afin de savoir combien de temps je devrais encore attendre avant l'aube. Presque sept heures à tenter de dormir sans réellement y parvenir, c'est l'horreur.

La clarté du jour arrive enfin. Une luminosité diffuse et laiteuse, atténuée par l'épaisse couche de nuages et  le nylon vert foncé de la toile de ma tente. J'entends toujours le grésillement des gouttes de pluie rebondissant sur mon abri.

Il fait encore froid et je reste emmitouflé dans mon duvet en attendant que le soleil soit plus haut, espérant qu'il réchaufferait l'atmosphère. Avec un peu de chance la pluie cessera, du moins le temps que je replie mon barda.

Il doit être un peu plus de 7h00 quand s'interrompt le bruit de la pluie. Je saisie donc l'opportunité pour m'habiller et plier le camp.

Il fait bien jour à présent et le ciel est toujours aussi menaçant. La falaise au dessus de moi et noyée dans une sombre couche de nuages qui semblent glisser contre elle en se déformant lentement. Des volutes plus claires et portées par des courants d'air plus rapides ricochent sur la roches et les autres nuages puis se disloquent avant de disparaître.

Je me dis qu'il ne devrait pas tarder à re-pleuvoir, mais c'est sans réellement me hâter que je reprends ma marche. De toute façon je n'ai qu'une idée assez approximative de l'endroit où je me trouve et de la destinatio où me conduira le chemin que j'emprunte.

Pour me préserver du froid, j'enfile mon K-way par-dessus mon blouson, pensant ainsi pouvoir par la même occasion isoler ce dernier de la pluie et ne pas avoir à le mettre à sécher plus tard.

Rien à l'horizon ne laisse présager une acalmie de la météo, mieux vaut être prévoyant.

Des deux chemins qui s'offrent à moi, l'un monte face aux falaises, l'autre continue dans le sens de la vallée, longeant le flanc de la montagne en descendant. Je décide sans trop hésiter de prendre le second. J'ignore à quelle altitude je me trouve à présent, mais si je continue à monter je risque de me trouver confronter à des condition climatiques  rigoureuses que mon équipement ne me permettra pas de braver.

J'entame donc la descente sur le large chemin rocailleux bordé de résineux au tronc torturés. De temps à autres les bourrasques frappent mon sac sur le coté, me faisant légèrement défier de ma trajectoire. Au fur et à mesure de ma descente la montagne me préserve du vent jusqu'à pratiquement ne plus le sentir. Pourtant je ne l'oublie pas. Son passage bruyant dans les cimes des arbres et le manteau nuageux malaxé par les courants d'air au dessus de moi ont quelque chose de très impressionnant.

Le chemin arrive à son point le plus bas. Un petit ruisseau traverse le chemin à cet endroit. Sans doute est-il né des pluies de la nuit dernière. Je l'enjambe en deux foulées et poursuit ma route qui monte à présent sur la montagne d'en face.

Là encore des crottins de chevaux me montrent que l'endroit est assez régulièrement fréquenté. Le chemin monte maintenant beaucoup et la terre mouillée, recouverte par endroit de feuilles de chêne, le rend assez glissant. Je progresse avec prudence d'autant plus qu'il devient plus étroit et des pierres instables  dispersées sur  le sentier s'ajoutent à la difficulté.

J'arrive enfin à une partie globalement horizontale du sentier. J'ai dépassé un embranchement un peu plus tôt et ai préféré emprunter la voie qui, selon ma boussole, me conduirait vers le Sud Ouest, synonyme de rapprochement de la plaine de la vallée du Rhône et de ses altitudes plus accessibles.

Je sens à nouveau le vent. Pas aussi violemment qu'à l'endroit où j'ai passé la nuit, mais il est là, pas très loin, passant à quelques dizaines de mètres au dessus de ma tête. Je progresse de plus en plus difficilement. Le sentier  n'est pratiquement pas entretenu et je suis contraint de me baisser légèrement pour éviter quelques branches qui me déséquilibrent en frottant contre mon sac. 

Au dessus et en dessous de moi les pentes s'accentuent et des rochers se découvrent par endroit. J'analyse ma position tout en progressant et me dis que je devrais peut être songer à rebrousser chemin si les conditions de marche se détériorent encore. Je débouche finalement dans ce qui ressemble à un vallon creusé naturellement par le ruissellement de l'eau. Le sentier  s'est interrompu subitement mais la petite côte sur laquelle je me trouve a l'air moins périeuse que les derniers mètres que j'ai parcouru.

Je décide donc de continuer, grimpant lentement dans l'épaisse couche de feuilles qui m'arrive à mi-cheville. De nombreux tronc et branches se sont couchés en travers du passage, formant des obstacles de cinquante centimètres à un mètre de haut. Je les enjambe ou les déplace pour me frayer un passage. La progression n'est pas très difficile mais assez lente, je m'en rend compte.

La cime de la montagne vers laquelle je me dirige n'est toujours pas en vue et les obstacles  deviennent de plus en plus nombreux et difficiles à franchir. J'analyse à nouveau ma position et décide de couper à travers la végétation en grimpant directement sur le versant de la montagne à ma gauche. La pente est nettement plus abrupte mais l'inclinaison naturelle a favorisé la chute des branches dans le même sens, vers le vallon dans lequel je me trouve.

Je scrutte un instant le versant et repère un premier itinéraire par lequel je pense pouvoir progresser plus aisément. Je m'élance ensuite dans cette ascension, zigzaguant entre les troncs et les souches pourries. Des grincements assez lugubres se font entendre un peu de partout, conséquence du frottement de quelques branches agitées par le vent sur des troncs rendus plus immobiles par leur rigidité.

A plusieurs reprise j'ai crois déceller une présence à cause de ses bruits, évoquant tour à tour des bruits de pas ou des cris d'animaux, jusqu'à ce que je réalise quelle en était la cause. 

Ca y est, j'arrive en haut de la montagne. Les arbres se sont changés en bruissons de buis et de genièvrier. Je regarde un moment autour de moi et  localise rapidement un autre sentier clairement entretenu. Aucun balisage n'est toutefois visible mais, après un court moment d'hésitation quant à la direction a prendre,  je décide de prendre sur la gauche.

Le sentier descend et s'élargie, devenant aussi large qu'un chemin de campagne mais trop  défoncé pour être praticable autrement qu'à pied. Je marche d'un bon pas. La pente est assez douce et le sol en  terre bien dammée favorise ma progression.

Peu à peu les arbres refont leur apparition. J'entends à nouveau quelques gouttes de pluie fine frapper la toile imperméable de mon sac et de mon Kway. Pendant une bonne heure j'avance ainsi, montant et descendant sur les différentes collines que traverse le sentier qui devient de plus en plus large et facile d'accès. J'arrive à un embranchement où un panneau indique l'altitude : 603 m.

Cela me donne la première indication altimétrique sur l'endroit où j'ai passé la nuit précédente.

Je poursuit sans trop m'attarder devant cette inscription et arpente un nouveau sentier un peu plus abrupte  et jonché de pierres instables. Comme précédemment, je préfère ralentir mon rythme et assurer chacun de mes pas pour ne pas risquer l'entorse.

La pente s'adoucie à nouveau et le chemin s'élargit en ce qui semble être une voie fréquemment utilisée par les véhicules agricoles. Une jeune femme faisant un footing avec son labrador noir me dépasse. Je dépasse quelques fermes en pierre, apparemment récemment rénovée, et arrive devant la porte fortifiée et  bordée de remparts du village de Cobonne.

Un lavoir est mis à la disposition des gens et j'en profite pour refaire le plein de mes réserves d'eau. Je traverse ensuite le village en saluant les personnes que je croise. L'endroit est joli : un petit village médiéval fortifié dans lequel toutes les constructions ont été effectuées dans le style originel.

Le temps se gâte à nouveau. Une pluie assez soutenue commence à tomber. Je décide de m'abriter sous une voûte romane en attendant que l'orage passe. J'en profite pour grignoter les tranches de pain et le quignon de saucisson que m'ont laissé mes grands parents hier.

Je constate rapidement que mes vêtements sont trempés malgré mon Kway. L'humidité ne venant pas seulement de la pluie mais aussi de mon corps dont la transpiration ne pouvait s'évaporer à cause  de la toile imperméable.

L'averse de pluie se change en grêle et la température de l'air ne doit pas être très loin de zéro car les billes de glace tiennent sur le sol. Le froid engourdit mes membres. J'ôte mon blouson en espérant que l'intérieur pourra sécher sous cette voûte et je change de sweet-shirt. Je veille à conserver des affaires sèches dans mon sac à dos et les isole d'un sac en plastique avant d'empiler par-dessus mes vêtements mouillés.

Pendant près de deux heure j'attend une amélioration de la météo. Quand l'occasion se présente enfin je repars après avoir effectué quelques mouvements d'échauffement. Je marche sur la route en direction d'Aouste-sur-Sye mais, toujours peu motivé par la marche sur le bitume, j'emprunte une petite route sur la gauche qui traverse la rivière et s'enfonce dans la colline d'en face.

Très vite, j'arrive dans une ferme. La route s'arrête ici et des champs s'étendent devant moi, par delà la vieille bâtisse habitée par un vieux couple. En veillant à ne déranger personne, je contourne la maison et longe la clôture qui borde le premier champ. Je vois à l'autre bout un chemin marqué d'empreintes de roues de tracteur et me dit qu'il doit certainement mener quelque part.

Les deux retraités me regardent passer et je les salue de loin. Le chemin conduit à un autre champ en pente laissé en jachère. Je le traverse et continue de gravir la pente jusqu'à ce que je repère un petit sentier. Je vois de nombreuses empreintes de chien au sol et en déduit que ce passage est sans doute utilisé par les chasseurs, à moins qu'il ne s'agisse que de promeneurs.

Le fait est que ce sentier est fréquemment utilisé et doit par conséquent conduire quelque part. Je traverse en quelques minutes une colline arborée et débouche sur une petite route rectiligne longeant des champs de choux. Quelques rayons de soleil percent et j'en profite pour cueillir quelques feuilles sur les plants de choux et les grignote tout en marchant. Les végétaux sont frais et humide et j'apprécie leur saveur crue, sans sel ni condiment quelconque. C'est agréable.

Je continue à expérimenter les goûts des plantes qui passent à ma portée, me référant à mon livre. C'est ainsi que j'ai découvert une plante pourvue de longues aiguilles souples qui, lorsqu'on les mâche, libèrent  des arômes de thé.

Cet instant ne dure toutefois que trop peu de temps. Très vite le soleil disparaît à nouveau derrière les nuages et les bourrasques se remettent à ébranler les arbres alentour. Je reprends ma marche en descendant la route alors que la pluie recommence à tomber. Je dépasse un caravaning pratiquement désert, puis quelques maisons récentes, une sorte de lotissement et arrive enfin à Aouste-sur-Sye.

La pluie se renforce encore et je décide de faire une halte sur le pas de l'église en attendant que ça se calme. Je m'assied et rédige mes quelques notes sur mon journal.

Comme précédemment, l'interruption de l'effort me fait ressentir d'avantage mes courbatures et mes membres s'engourdissent de nouveau à cause du froid. Je constate que mes réserves d'eau s'amenuisent et dès que la pluie s'interrompt, je repars en quête d'un point où me réapprovisionner.

Malheureusement, la municipalité a coupé l'eau, sans doute pour prévenir le gel.

Je me résigne donc à partir en me disant que je me réapprovisionnerais dans un autre village. Je sors donc de la petite ville, traversant une Drôme à l'eau tumultueuse et d'un beau vert. Je franchis une voie rapide et prends la direction de la forêt de Sâou.

La route sur laquelle je marche et assez fréquentée et les quelques petites montagnes vers lesquelles je me dirige ont leur cime plongées dans d'épaisses couches de nuage. Je décide à nouveau de bifurquer sur une petite route de campagne. Je dépasse quelques propriétés gardées par des chiens qui aboient tant que je demeure dans leur champ de vision.

En dessous de moi les champs en jachère se succèdent aux terres fraîchement labourées. Au dessus, des arbres bordés de clôtures grillagées. Je progresse régulièrement en suivant les montées et les descentes de la route. Le temps passe, il est déjà 17h30.

Vu que les alentours semblent être découpés en propriétés délimitées de barrières diverses, je me dis que je devrais commencer à rechercher dés à présent un endroit où poser ma tente pour la nuit. Je repère dans un premier temps un coin de terre sur lequel pousse une herbe épaisse et où des genres de roseaux secs jaillissent entre les mottes. Je parcours un instant l'endroit pour évaluer la protection qu'il pourrait me fournir contre le vent, mais après une rapide inspection, je décide de rechercher un endroit plus approprié.

Je repère un peu plus loin un champ  sur lequel ont commencé à pousser quelques semis, peut-être du colza, difficile à identifier, je ne m'y connais pas assez. Au bout du champ une colline clairsemée de petits résineux et au sol recouvert d'une herbe épaisse me semble être adéquat. Je recherche un moment un espace suffisamment vaste pour y planter ma tente et commence mon installation. L'herbe est détrempée et je prends quelques précautions pour éviter de mouiller inutilement la toile intérieure de ma tente et mon duvet.

Vers 18h00 ma tente est montée. Je dépose mon sac dans le hauvent et en sort mes habits humides en espérant qu'ils sècheront pendant la nuit. L'herbe épaisse assure un certain moelleux à ma couche, chose que je pense apprécier malgré le fait que le sol soit pentu.

J'ai encore suffisamment de clarté pour compléter mon journal et je mange quelques cacahuètes laissées elles aussi par ma grand-mère à Barcelonne.

La nuit tombe doucement et la pluie fine continue de tomber. Je me glisse dans mon duvet et  m'efforce de dormir. 

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Commentaires
H
Salut, Moi aussi je m'appelle Serraf, Hugues Serraf. Donc je suis curieux de savoir qui est ce Serraf là, qui décide d'aller voir le vaste monde avec son sac à dos sans plan précis. Mais il semble que le feuilleton ne soit pas à jour (plus rien depuis le 23 mars). Alors : la suite et bonne route...
S
Trop fort. Quel sens du récit ! Tiens-bon Serraf, on en veut encore ! =)
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