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Le Voyage de Serraf
18 octobre 2004

11ème lettre

Jeudi 27 Mai

Ma nuit est plutôt mouvementée sans cesse réveillé par les avions, les pécheurs et autres noctambules, alors je reprends ma marche d'assez bonne heure, je retourne sur la promenade pavée qui longe les plages, et qui se peuple de sportifs et amoureux du calme matinal. Je téléphone quelques nouvelles chez moi, puis poursuit ma progression par le port de plaisance où sont alignés des yachts de tous calibre, plus loin les ferries en partance pour la Corse où l'Italie.

J'opte pour la basse corniche qui s'élève peu à peu au dessus de la ville, ce point de vue me permet d'admirer la limpidité de l'eau qui contraste avec celle de Cannes et st Raphaël. Les larges trottoirs bordant la route facilitent mon déplacement, et les localités défilent lentement, Villefranche, Beaulieu, Eze… je m'arrête de temps en temps pour profiter du site, plus loin je craque pour une petite glace dans une petite cabane du bord de mer.

Je continue d'avancer, partagé entre l'appréciation de la propreté apparente du rivage et l'écoeurement provoqué par les effluves mêlées de crème solaire et de friture qui émanent de chaque endroit suffisamment vaste et proche de l'eau. De proche en proche j'arrive à Monaco. Tout ici transpire l'argent. Les immeubles sont modernes et majestueux, bâtis en verre et béton selon des architectures inspirées des bâtiments antiques. Les pelouses bordant les rues sont parfaitement entretenues, les trottoirs joliment pavés et ombragés par des îlots de verdure et de plantes colorées et luxuriantes. Ici la campagne anti-tabac n'est pas en vigueur et c'est sur des panneaux publicitaires de cinq mètres sur deux que les différentes marques vantent leurs produits.

J'atteins assez vite le centre-ville en contournant le palais princier et gagne le port où les ouvriers des services techniques municipaux s'affairent à démonter les tribunes installées pour le grand prix de formule un. Les rues et les trottoirs sont encore encombrés d'armatures métalliques et la traversée de la ville ne se fait pas sans quelques difficultés. Je parviens toutefois à gagner l'Est de la principauté où une femme agent de police monégasque procède à un contrôle d'identité. J'échange poliment quelques mots avec elle avant de reprendre ma marche et d'entrer dans le village voisin de Cap Martin. Je retourne sur la route nationale sept que j'arpente jusqu'à la tombée de la nuit. J'arrive alors à Menton et me met à la recherche d'un endroit où passer la nuit.

Je parcours une série de terrains vagues en pente sans parvenir à trouver d'endroits adéquats. Je continue donc d'avancer vers le rivage en espérant y trouver un lieu plus accueillant. Je longe une série de petites plages trop éclairées pour que j'y dresse le camp. Les promeneurs noctambules me dévisagent avec méfiance et je décide de passer par les quais afin de croiser le moins de monde possible. Je dépasse un fort et continue d'avancer sur le large trottoir qui surplombe à présent une série de restaurants alignés en bordure des plages. La plupart d'entre eux ne montre aucune activité nocturne et les bâtiments offrent un rempart efficace contre la clarté provenant des lampadaires. La fatigue me rend moins exigeant quant à l'emplacement où je vais passer la nuit et c'est à côté  de deux pédalos tirés sur le sable que je monte ma tente.

A peine ai-je fini de m'installer que je vois un homme se diriger dans ma direction. Je crains un instant de devoir repartir chercher un autre endroit où dormir, prenant l'individu pour le propriétaire des pédalos ou pour un vigil quelconque. Heureusement il n'est est rien. L'homme engage rapidement la conversation et vient s'adosser à l'une des embarcations échouées. Il s'appelle Sylvio et me dit être un habitant d'un village voisin. Il m'explique qu'il ne souhaite pas rentrer chez lui ce soir, s'étant un peu accroché avec son père il préfère passer la nuit sur la plage. Je lui prête ma couverture de survie et mon pull polaire pour qu'il se préserve un peu de la fraîcheur de la brise marine puis nous discutons jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Vendredi 28 Mai

La nuit a été plutôt brève,  plus encore pour Sylvio que pour moi car l'air marin semble l'avoir fréquemment tiré du sommeil. Au petit matin je plie bagage sans prendre le temps d'attendre que ma tente sèche et j'accompagne Sylvio à travers les rues de Menton. Notre rencontre semble l'enthousiasmer et il me fait part de toute une série de projets professionnels dans lesquels il aimerait que je le suive. Il me parle également de ses problèmes familiaux et de ses ennuis de santé. Il m'offre ensuite un chocolat chaud dans un café près de la gare où je profite de la présence de cabines téléphoniques pour prévenir mes parents que je franchirais la frontière vraisemblablement dans la journée.

Je continue ensuite de suivre mon compagnon d'un jour à travers la ville pour rechercher à présent un cardiologue. Nous entrons dans plusieurs cabinets d'où nous nous faisons chasser avec tact et plus ou moins de courtoisie. Nous renonçons finalement à consulter un spécialiste du cœur et poursuivons notre visite de Menton jusqu'à un petit parc d'attraction nommé Koaland. Sylvio espère y retrouver une amie qui y travaille mais le parc est encore très peu fréquenté et la personne que nous sommes sensé rencontrer au dojo d'initiation aux arts martiaux est absente. Nous nous contentons alors d'un moment de repos assis sur des bancs près d'un enclos où sont parquées quelques biches.

Sylvio me demande ensuite de contacter sa mère depuis une cabine téléphonique en utilisant une carte Kertel similaire à la mienne et de lui donner rendez-vous vers le minigolf de Koaland. Je le fais puis nous l'attendons pendant une petite demi heure au cours de laquelle Sylvio essaie de me convaincre de le suivre en Suisse puis en Corse pour une semaine mais je décline sa proposition, préférant poursuivre mon voyage comme je l'entends. Lorsque la dame que nous attendons arrive Sylvio fait les présentations et nous discutons un moment avant que je décide de me remettre en route vers l'Italie.

Je salue donc mon compagnon d'un jour et sa mère puis arpente de nouveau la promenade de bord de mer que j'ai suivi hier soir. Il est un peu plus de midi et les touristes ont envahi les lieux. Je continue d'avancer sans m'attarder jusqu'au poste frontière désaffecté. Une légère appréhension me gagne et je m'arrête dans une petite boutique pour demander un mini dictionnaire franco-italien mais le marchand me suggère de me rendre à Ventimiglia où je trouverais ce que je cherche.

Je continue donc de longer la route côtière, traversant trois tunnels de longueurs variées et me reposant un instant sur un muret pour rédiger mon journal. Quelques baigneurs se faufilent à travers la garrigue, franchissant la voie de chemin de fer pour rejoindre sans doutes une plage tranquille en contrebas de la route.

Une fois mon journal à jour je repars et parcours les quelques kilomètres restants avant d'atteindre Ventimiglia. La première impression que me laisse l'endroit n'est pas des plus flatteuses. Des immeubles datant probablement des années cinquantes sont peints dans des tons allant du jaune au roux et les stores sont presque tous vert sombre, formant un ensemble que je trouve fort peu harmonieux. Les autoroutes et les voies rapides surpassent la vallée sur d'hideux ponts de béton en dessous desquels s'agglutinent d'horribles bâtiments industriels. Je me dirige vers le centre en me rend compte que les rues sont envahies de touristes français, la circulation automobile et très dense et dépourvue de fluidité.

Cette atmosphère urbaine a tôt fait de me taper sur les nerfs et après une brève escale dans un office de tourisme où l'on me remet une petite carte des environs je m'efforce de quitter la ville au plus vite. Je décide de m'éloigner du littoral en suivant le lit de la Nervia en direction de la montagne. Une courte averse m'incite à m'équiper conter la pluie. Je passe sous le haut pont de l'autoroute et m'arrête à Camporosso pour acheter du pain. Je casse brièvement la croûte sur un banc avant de poursuivre mon avancée vers le nord.

J'arrive alors à Dolce Acqua, un village qui s'étend sur les deux rives de la rivière mais dont seule la partie est suscite de ma part un certain intérêt. Le vieux bourg aux maisons anciennes enchevêtrées les unes aux autres le long d'étroites ruelles pavées est dominé par l'imposante ruine de ce qui semble être un édifice religieux. Quelques consolidation récentes ôtent toutefois un peu de charme au site que je contemple néanmoins depuis divers points de vue dont notamment un pont à l'architecture typique, sans doutes contemporain au reste du vieux village.

Je poursuis ma progression après une rapide visite de site en arpentant une petite route qui s'élève en zigzaguant au dessus de la vallée. Le vacarme des débroussailleuses lointaines est propagé par l'acoustique des lieux et gâche un peu le sentiment de calme qui accompagne ma marche. Je grimpe ainsi jusqu'au couché du soleil en suivant les larges boucles de la route et dépassant quelques maisons de plus en plus espacées. Un nouvel orage éclate et je profite d'un endroit à peu près horizontal de la route pour dresser ma tente entre deux oliviers jouxtant la ruine d'une ferme envahie par les herbes.

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