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Le Voyage de Serraf
16 novembre 2004

13ème Lettre

Lundi 31 Mai

La nuit s'est bien passée mais à mon réveil le ciel est couvert. Déjà le vacarme de débroussailleuses résonne dans la vallée e c'est dans le lointain bourdonnement de ces moteurs à deux temps que je plie mes affaires. Je redescends sur la route et poursuis mon avancée vers Badalucco. Je m'arrête soudain devant un long serpent d'un jaune grisâtre. Sa morphologie est assez similaire à celle d'une couleuvre mais ma connaissance des reptiles étant très limitée, je ne saurais dire s'il s'agit d'une espèce venimeuse. Il reste immobile en travers de la chaussée malgré le bruit que je fais en martelant le bitume de mes talons afin de le faire fuir. Je pense un instant qu'il a été écrasé par un véhicule mais une voiture roulant en sens inverse lui frôle la tête, ce qui le fait se rétracter légèrement. Certain à présent de sa bonne santé et conscient du fait qu'à la prochaine déferlante d'automobiles, il  passera de vie à trépas, je décide de le sauver en lui projetant du pied des particules végétales mêlées de gravillons. La technique s'avère efficace et sans se presser il retourne dans les hautes herbes peuplant le talus bordant la route.

Satisfait, je me remets en marche. J'atteins peu après le village et parcours un moment la rue principale puis les ruelles parallèles. Je demande en passant à quelques habitants où se trouve la poste où je compte obtenir des informations sur l'utilisation de ma carte Kertel, je m'y rend donc mais l'employée ne peut guère que m'indiquer un point de vente de cartes téléphoniques à puces. Je sacrifie cinq euros dans l'achat d'une de ces cartes, la moins chère disponible et me rends à la cabine située à l'entrée du village. Je tente à plusieurs reprises de numéroter, oubliant dans un premier temps de retirer le premier zéro du numéro à composer après l'indicatif 0033 et parviens finalement à joindre ma grand-mère. Je rassure tout le monde mais le crédit de la carte s'amenuise rapidement et j'abrège la conversation afin de pouvoir rappeler plus tard. Aucun numéro de cabine n'est affiché, il n'est donc pas possible de demander à mers interlocuteurs de me recontacter, ce qui est fort dommage. Je me rends ensuite dans une épicerie pour acheter du pain, du fromage, un petit saucisson et quelques bonbons pour écouler ma petite monnaie.

Je m'assieds sur un banc accolé à une maison, à l'endroit où la route principale passe sur un petit pont et casse la croûte en regardant le paysage alentour. Les cimes des montagnes des environs sont noyées dans d'épaisses couches nuageuses et l'humidité ambiante est très élevée. Quelques gouttes de pluie m'incitent d'ailleurs à revêtir mon K-Way et à couvrir mon sac avant de me remettre en marche. J'atteins le village voisin de Montalto Ligure, un bourg perché au sommet d'une colline abrupte. Je m'arrête à une autre cabine téléphonique et rappelle ma grand-mère afin qu'elle me communique le numéro d'une nouvelle carte qu'elle vient d'acheter. J'essaie le nouveau système sans obtenir plus de succès qu'avec Kertel. Je renonce donc à tenter de joindre la France par ces moyens et poursuis ma route. La voie monte assez franchement et je me rapproche peu à peu de la dense couche de nuages. Je fais une halte dans le bourg de Carpasio où je finis mes vivres, assis à une table de pique-nique. Une grande pancarte sur laquelle est fixée une carte de la région mentionne le tracé d'une antique route marchande. Ma faible compréhension de l'italien m'empêche toutefois de déchiffrer les textes explicatifs et je préfère ne pas me hasarder dans ce qui est devenu un petit sentier.

Je continue donc l'ascension de la montagne par la route. En quelques centaines de mètres, ma visibilité se réduit considérablement. Je progresse alors en restant attentif aux mouvements des véhicules dont je ne distingue que les feux, m'écartant largement à leur passage et veillant autant que possible à me faire voir. Sans que je m'en rende immédiatement compte, mes cheveux et ma barbe se chargent de minuscules gouttelettes. Je remarque un nombre impressionnant de crapauds écrasés sur la chaussée dont la taille atteint quinze à vingt centimètres. Je recueille une petite salamandre, visiblement un peu engourdie et la dépose sur un rocher un peu plus loin afin qu'elle ne vienne pas compléter l'hécatombe de batraciens. Sans m'attarder et toujours sans y voir grand-chose, je dépasse les hameaux de Colla D'Oggia et de San Bernardo Di Conio. La route redescend peu à peu et la profondeur de mon champ de vision croît légèrement. Le son des cloches des vaches et l'odeur des bovins sont présents un peu partout mais c'est un troupeau de brebis qui descend de deux camions en travers de la chaussée. Tous les occupants de la ferme sont là, équipés de bâtons, prêts à diriger le bétail vers la bergerie. Je passe en essayant de ne pas troubler la manœuvre.

La clarté diminue sensiblement et j'en déduis que la nuit ne va pas tarder. Je m'éloigne un peu des fermes et grimpe sur la colline surplombant la route. Une clairière herbeuse et presque plane me convient pour dresser le camp. Je m'apprête à passer la nuit lorsque retentit un haut-parleur monté sur un véhicule passant en contrebas. Je ne comprends que quelques bribes du message, qui bien que ne m'étant pas personnellement destiné, semble être une mise en garde. Je ne peux toutefois pas faire grand-chose et m'efforce de dormir en essayant de m'habituer au lointain bruit des cloches à vaches.

Mardi 1er Juin

La nuit se passe sans trop de difficultés et ce sont les cris des paysans, accompagnés des meuglements de leurs troupeaux, qui me tirent du sommeil. La météo ne semble guère plus clémente qu'hier. La brume dissimule presque totalement la montagne d'en face dont je ne distingue qu'une vague silhouette. Je plie mes affaires et redescends sur l'asphalte pour continuer de suivre la route en direction de Pieve Di Teco. Le soleil fait une courte apparition afin de disparaître de nouveau. Je franchis le col San Bartholomeo et traverse un hameau désert sans m'attarder. Je suis les panneaux routiers et poursuis ma descente, contournant le village perché de Caldera et me rapprochant peu à peu d'une route nationale. L'axe de circulation surpasse la forêt par un long et hideux pont de béton qui succède à un tunnel dont je peux apercevoir l'entrée.

Je m'accorde un instant de répit avant d'arpenter l'accotement de la chaussée très fréquentée. Les véhicules me crachent au visage leurs gaz d'échappement et dès lors ma marche devient peu plaisante. J'arrive à Pieve Di Teco et me rends au bureau de poste pour affranchir ma quatrième lettre. Je me rends ensuite dans les vieilles ruelles du village afin d'y trouver de quoi manger. A cette heure-ci, les commerces sont fermés, seuls les cafés demeurent en activité. Je parviens à acheter un sandwich au jambon - fromage et une glace pour 3,5 euros. Je passe ensuite une rue en arcades le long de laquelle sont disposés les étals des commerçants. Tous sont recouverts d'un fin filet vert destiné à éviter le vol à l'étalage.  Quelques personnes âgées attablées par quatre devant l'enseigne d'un petit bistrot interrompent leur partie de cartes pour me regarder passer d'un air méfiant.  Je m'assieds sur une marche marquant l'entrée d'une allée perpendiculaire et y prends mon repas. Rassasié, je retourne près du bureau de poste et traverse la route nationale pour faire le plein d'eau dans des toilettes publiques.

Sans grand enthousiasme, je me remets à marcher sur le bord de la chaussée. La voie recommence à monter franchement en de larges virages le long de la montagne. Comme hier, je me rapproche doucement de l'épaisse couche nuageuse baignant les cimes des environs. Les bourgades se succèdent : Acquetico, Ottano, Pornassio… Je ne m'y attarde guère, plus de quelques minutes, le temps de reprendre mon souffle et de m'équiper contre l'humidité. Les camions sont nombreux et j'essaie d'évaluer la distance qui me reste à parcourir en les chronométrant entre l'instant où ils me dépassent et celui où je les vois passer la boucle qui me surplombe. L'avancée est longue et j'arrive enfin au sommet de cette côte : « Il colle di nava ». Plusieurs bars et hôtels se côtoient ici, se partageant sans doute la clientèle de routiers qui défilent quotidiennement. De nouveau, j'amorce ma descente. Le paysage est verdoyant, formé de vallées aux versants abrupts d'où jaillissent rocs et falaises. Bien qu'il ne pleuve franchement, l'eau déposée par la brume sur la végétation se rassemble et se met à ruisseler de partout, formant de tumultueux torrents ou d'incessants gouttes à gouttes le long des herbes longues et des fougères.

Je franchis le Tanaro au niveau de Ponte Di Nava et continue ma progression jusqu'à Cantarana. Une famille sort sur le seuil de sa maison pour engager la discussion mais la barrière linguistique, une fois de plus, limite le dialogue. Je parviens toutefois à obtenir à un bassin dans lequel coule avec force l'eau descendant de la montagne. Mes épaules me font de nouveau un peu mal et l'heure est déjà bien avancée. Il me faut trouver un endroit où passer la nuit et les environs ne se prêtent pas trop au camping. L'espace entre la route et la rivière est trop restreint et de l'autre côté le versant de la montagne est bien trop abrupt. Je n'ai d'autre choix que de continuer d'avancer, pressant un peu le pas pour ne pas me faire surprendre par la nuit. Je parviens finalement à trouver un chemin pierreux montant à une cascade artificielle dominant la route de quelques mètres. Conscient que je n'aurai pas de meilleur emplacement, j'effectue de petits aménagements afin de monter ma tente sur un sol horizontal et aussi souple que possible. Mon tapis de sol devrait m'assurer un confort suffisant pour que je puisse dormir.

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Commentaires
E
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