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Le Voyage de Serraf

27 janvier 2005

14ème lettre

Mercredi 2 Juin

Ma nuit ne s'est pas trop mal déroulée. A mon réveil le ciel est encore clairsemé de nuages mais la journée s'annonce bien moins humide que les précédentes. Une colonie de fourmis a escaladé ma tente et envahi mon sac et je dois secouer mes affaires pendant un certain temps pour les déloger.  Les abords de la cascade me semblent adéquats pour faire du feu : aucune végétation à proximité immédiate, quelques branches sèches jonchant les cailloux et de l'eau en quantités suffisante pour prévenir tout risque de propagation du feu. Je dispose donc quelques pierres en cercle au bord du torrent, place une vieille planche au centre  et agence quelques brindilles en fagot au dessus d'une de mes pastilles d'alcool solide que j'enflamme au briquet. Le bois n'est pas aussi sec que prévu mais petit à petit le feu grandit et un parterre de braises se forme. Je pose alors ma gamelle d'aluminium remplie au deux tiers d'eau et la couvre pour accélérer l'ébullition. Je surveille la cuisson de mes deux paquets de riz tout en appréciant le paysage. Les bruits du Tanaro et de la cascade voisine couvrent presque entièrement celui de la circulation automobile. Le ciel est encore bien nuageux mais le soleil perce de temps à autres, diminuant lentement le taux d'humidité ambiante.

Je prends finalement mon repas assaisonné de sel vers midi. Mon matériel est presque sec à présent et c'est une fois rassasié que je refais mon sac. Je me remet en marche après avoir précautionneusement éteint le feu,  battant la bitume jusqu'au village d'Orméa. La ville me parait bien trop calme. J'apprends que le deux Juin est un jour férié en Italie, ce qui justifie probablement ce manque d'activité. Je ne m'attarde juste le temps de me réapprovisionner en eau puis je poursuis ma route. Je franchis les hammeaux de Nasago, Isola Perosa et Trappa en guettant la présence d'une cabine téléphonique sans en trouver et arrive de proche en proche dans le village de Garessio.

Un panneau fixé sur la façade d'un bar m'indique qu'il y a ici un téléphone et je parviens à joindre la France en échange d'un euro soixante. Ma grand-mère me donne de nouvelles instructions pour appeler depuis une cabine que j'expérimente aussitôt depuis une installation voisine. Enfin, ça fonctionne ! Je transmet donc de mes nouvelles puis entreprends de visiter un peu la ville en recherchant par la même occasion des indications sur l'itinéraire le plus adapté.

Je rencontre un monsieur avec qui je parviens à communiquer sommairement. Il m'indique une petite route donc mentionnée sur ma carte qui conduirait, selon lui, directement à Vetria. Afin de ne pas m'induire en erreur il demande confirmation à un de ses amis pharmacien puis il m'accompagne sur quelques centaines de mètres pour me montrer ladite route. Il me quitte alors après m'avoir laisser quelques indications verbales que j'essaie de suivre. Je m'engage alors sur un petit chemin longeant quelques propriétés et s'enfonçant ensuite dans une zone boisée bordant quelques vergers.

Je ne marche pas longtemps avant de tomber face à un chien qui m'aboie après, contrarié certainement qu'un intrus traverse son jardin. Heureusement son jeune maître est là pour le calmer et il m'invite à approcher. Je tente de communiquer en anglais sans grand succès. Le père du jeune homme arrive alors à la rescousse et me répond dans un français impeccable. Il m'explique qu'il a vécu dix ans en France à la construction du complexe pétrochimique de Fos-Sur-Mer, voilà une trentaine d'années. Il m'invite à boire un jus de fruit et se met à étudier ma carte pour me faire profiter de sa connaissance de la région. Il me suggère de suivre la route nationale afin d'obtenir un itinéraire plus direct mais la perspective d'arpenter une fois de plus un axe de grande circulation ne m'enthousiasme guerre.

Après les avoir remercié de l'accueil et des verres de jus de fruit et d'eau qu'ils m'ont offert, je finis par me remettre en route. Je rebrousse chemin jusqu'à la petite route et indiquée par le pharmacien, prenant à droite après avoir passé une petite chapelle, comme il me l'avait dit. La route recommence à monter en une succession de virages. Je dépasse un haras et m'élève peu à peu au dessus de Garessio. Les montagnes en face de moi son ceinturées d'épais nuages gris mais pour l'instant, heureusement, l'endroit où je me trouve est encore ensoleillé. Je monte pendant un bon moment, dépassant quelques fermes sans m'attarder et dressant le camp qu'à l'avènement de la nuit tombée sur un terrain herbeux, légèrement pentu, situé un peu au dessus de la route.

Jeudi 3 Juin

Un violent orage a éclaté durant la nuit, changeant l'obscurité en un déchaînement d'éclairs et de coups de tonnerre assourdissants. L'intempérie ne fut pas très longue mais elle suffit à faire naître une insomnie qui ne me quitta pratiquement pas jusqu'à l'aube. De plus, quelques sangliers s'empressant de retourner la terre ramollie par la pluie vinrent rôder près de ma tente, rendant mon sommeil encore plus difficile.

Ce matin le ciel est assez nuageux et la température assez fraîche. Je me couvre d'avantage et plie ma tente sans prendre le temps de la faire sécher avant de me remettre en marche. J'arrive assez rapidement en haut de la côte et amorce ma redescente vers Vétria. La route, assez bien entretenue, serpente au milieux des arbres scintillants d'humidité et longeant un petit cour d'eau.

Lorsque j'arrive en vue du village, alors que la descente s'est changée en route plane, un violent orage éclate sur les montagnes à ma gauche. Pendant quelques instant il demeure à distant puis, les coups de tonnerre se faisant plus proches, j'ai juste le temps de m'équiper contre la pluie avant que ne déferlent sur les prés et les quelques maisons du village qui m'entoure des trombes de pluie mêlée de grêle. Les environs n'offrent guerre d'abris convenables et, plutôt que de m'efforcer vainement à en trouver un, je préfère poursuivre ma progression.

En moins d'une demi heure le soleil refait son apparition et fond rapidement les billes de glace éparpillées sur l'asphalte. En poursuivant ma marche vers le lac d'Osiglia je dépasse les hameaux de Maritani et de Caragnetta  pour ensuite franchir la rivière Bormida et d'entamer l'ascension  vers Riofreddo.

La route goudronnée monte pendant un bon moment puis devient de moins en moins entretenue. Le revêtement vieillissant est de plue en plus recouvert de terre jusqu'à ne plus être visible. Sans réellement localiser l'endroit où elle débute j'évolue sur une piste forestière de terre ocre sur laquelle de longues traces trahissent l'existence proche d'une exploitation de bois. Le bourdonnement régulier d'un moteur deux temps se fait peu à peu entendre et j'arrive à proximité du chantier. Une vaste zone encombrée de souches et de branchages est sillonnée de quelques larges passages empruntés conduisant à l'orée d'une forêt située plus haut. Je ne croise toutefois personne et continue d'avancer sur le chemin principal jusqu'à ce qu'il recommence à descendre. La descente, comme la montée, se déroule en de larges virages en épingle au bord desquels ont été bâties quelques villas.

Au bout d'un moment le bitume refait son apparition avant que j'arrive à Osiglia. Deux anciens tentent d'engager la discussion avec moi mais une fois encore les échanges sont grandement limités par mon incompréhension de la langue. Je comprends toutefois que le lac n'est qu'à une paire de kilomètres et après quelques instants d'hésitations quant à l'itinéraire à suivre, j'arrive en vue de l'étendue d'eau. Je passe quelques petits quartiers paisibles et longe le lac sur la route empruntée par de nombreux camions. Le niveau de l'eau semble être monté ces derniers temps et les arbres les plus proches de la rive se sont retrouvés noyés sous quelques dizaines de centimètres. Une grande passerelle métallique que des ouvriers sont en train de repeindre sert de repère à de nombreux pêcheurs dont les lignes parallèles oscillent au gré de la légère brise.

Je m'assieds un instant sur une petite place ombragée et caillouteuse où  quelques voitures sont garées de façon plus ou moins désordonnée. Des cyclistes s'arrêtent à mon niveau et nous discutons un peu, parlant de mon voyage et des quelques plantes comestibles des environs puis je me remets en marche lorsqu'ils me quittent. La route passe alors en dessous du barrage qui a formé ce lac artificiel et descend assez franchement jusqu'au lit de la rivière. Je franchis la localité de Ronchi sans m'y arrêter et me réapprovisionne en eau à une fontaine située un peu plus loin. Je gagne ensuite une route nationale au bord de laquelle sont clairsemés quelques vieux bâtiments plus ou moins décrépits rattachés sans doutes à la commune voisine d'Aquafredda.  Je cherche pendant un instant la route de Biestro mentionnée sur ma carte mais dont la présence sur le terrain n'est pas flagrante. Une dame finit par me renseigner aimablement sur l'itinéraire à suivre. Il s'agit d'une petite route commençant juste après  un pont franchissant le cours d'eau et montant nettement sur quelques kilomètres. La luminosité commence à décroître et je scrute les abords de la route pour trouver un endroit où dresser le camp. Je dépasse une exploitation forestière et quelques propriétés avant de continuer mon ascension sur une piste de terre.

Un chemin agricole sur la droite offrant une aire globalement plane sous des châtaigniers me semble adéquat pour de passer la nuit. J'y monte ma tente et compte profiter des derniers moments de clarté pour entamer ma cinquième lettre, mais les moustiques ont tôt fait de me contraindre à m'abriter et à remettre cette tâche  plus tard.

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16 novembre 2004

13ème Lettre

Lundi 31 Mai

La nuit s'est bien passée mais à mon réveil le ciel est couvert. Déjà le vacarme de débroussailleuses résonne dans la vallée e c'est dans le lointain bourdonnement de ces moteurs à deux temps que je plie mes affaires. Je redescends sur la route et poursuis mon avancée vers Badalucco. Je m'arrête soudain devant un long serpent d'un jaune grisâtre. Sa morphologie est assez similaire à celle d'une couleuvre mais ma connaissance des reptiles étant très limitée, je ne saurais dire s'il s'agit d'une espèce venimeuse. Il reste immobile en travers de la chaussée malgré le bruit que je fais en martelant le bitume de mes talons afin de le faire fuir. Je pense un instant qu'il a été écrasé par un véhicule mais une voiture roulant en sens inverse lui frôle la tête, ce qui le fait se rétracter légèrement. Certain à présent de sa bonne santé et conscient du fait qu'à la prochaine déferlante d'automobiles, il  passera de vie à trépas, je décide de le sauver en lui projetant du pied des particules végétales mêlées de gravillons. La technique s'avère efficace et sans se presser il retourne dans les hautes herbes peuplant le talus bordant la route.

Satisfait, je me remets en marche. J'atteins peu après le village et parcours un moment la rue principale puis les ruelles parallèles. Je demande en passant à quelques habitants où se trouve la poste où je compte obtenir des informations sur l'utilisation de ma carte Kertel, je m'y rend donc mais l'employée ne peut guère que m'indiquer un point de vente de cartes téléphoniques à puces. Je sacrifie cinq euros dans l'achat d'une de ces cartes, la moins chère disponible et me rends à la cabine située à l'entrée du village. Je tente à plusieurs reprises de numéroter, oubliant dans un premier temps de retirer le premier zéro du numéro à composer après l'indicatif 0033 et parviens finalement à joindre ma grand-mère. Je rassure tout le monde mais le crédit de la carte s'amenuise rapidement et j'abrège la conversation afin de pouvoir rappeler plus tard. Aucun numéro de cabine n'est affiché, il n'est donc pas possible de demander à mers interlocuteurs de me recontacter, ce qui est fort dommage. Je me rends ensuite dans une épicerie pour acheter du pain, du fromage, un petit saucisson et quelques bonbons pour écouler ma petite monnaie.

Je m'assieds sur un banc accolé à une maison, à l'endroit où la route principale passe sur un petit pont et casse la croûte en regardant le paysage alentour. Les cimes des montagnes des environs sont noyées dans d'épaisses couches nuageuses et l'humidité ambiante est très élevée. Quelques gouttes de pluie m'incitent d'ailleurs à revêtir mon K-Way et à couvrir mon sac avant de me remettre en marche. J'atteins le village voisin de Montalto Ligure, un bourg perché au sommet d'une colline abrupte. Je m'arrête à une autre cabine téléphonique et rappelle ma grand-mère afin qu'elle me communique le numéro d'une nouvelle carte qu'elle vient d'acheter. J'essaie le nouveau système sans obtenir plus de succès qu'avec Kertel. Je renonce donc à tenter de joindre la France par ces moyens et poursuis ma route. La voie monte assez franchement et je me rapproche peu à peu de la dense couche de nuages. Je fais une halte dans le bourg de Carpasio où je finis mes vivres, assis à une table de pique-nique. Une grande pancarte sur laquelle est fixée une carte de la région mentionne le tracé d'une antique route marchande. Ma faible compréhension de l'italien m'empêche toutefois de déchiffrer les textes explicatifs et je préfère ne pas me hasarder dans ce qui est devenu un petit sentier.

Je continue donc l'ascension de la montagne par la route. En quelques centaines de mètres, ma visibilité se réduit considérablement. Je progresse alors en restant attentif aux mouvements des véhicules dont je ne distingue que les feux, m'écartant largement à leur passage et veillant autant que possible à me faire voir. Sans que je m'en rende immédiatement compte, mes cheveux et ma barbe se chargent de minuscules gouttelettes. Je remarque un nombre impressionnant de crapauds écrasés sur la chaussée dont la taille atteint quinze à vingt centimètres. Je recueille une petite salamandre, visiblement un peu engourdie et la dépose sur un rocher un peu plus loin afin qu'elle ne vienne pas compléter l'hécatombe de batraciens. Sans m'attarder et toujours sans y voir grand-chose, je dépasse les hameaux de Colla D'Oggia et de San Bernardo Di Conio. La route redescend peu à peu et la profondeur de mon champ de vision croît légèrement. Le son des cloches des vaches et l'odeur des bovins sont présents un peu partout mais c'est un troupeau de brebis qui descend de deux camions en travers de la chaussée. Tous les occupants de la ferme sont là, équipés de bâtons, prêts à diriger le bétail vers la bergerie. Je passe en essayant de ne pas troubler la manœuvre.

La clarté diminue sensiblement et j'en déduis que la nuit ne va pas tarder. Je m'éloigne un peu des fermes et grimpe sur la colline surplombant la route. Une clairière herbeuse et presque plane me convient pour dresser le camp. Je m'apprête à passer la nuit lorsque retentit un haut-parleur monté sur un véhicule passant en contrebas. Je ne comprends que quelques bribes du message, qui bien que ne m'étant pas personnellement destiné, semble être une mise en garde. Je ne peux toutefois pas faire grand-chose et m'efforce de dormir en essayant de m'habituer au lointain bruit des cloches à vaches.

Mardi 1er Juin

La nuit se passe sans trop de difficultés et ce sont les cris des paysans, accompagnés des meuglements de leurs troupeaux, qui me tirent du sommeil. La météo ne semble guère plus clémente qu'hier. La brume dissimule presque totalement la montagne d'en face dont je ne distingue qu'une vague silhouette. Je plie mes affaires et redescends sur l'asphalte pour continuer de suivre la route en direction de Pieve Di Teco. Le soleil fait une courte apparition afin de disparaître de nouveau. Je franchis le col San Bartholomeo et traverse un hameau désert sans m'attarder. Je suis les panneaux routiers et poursuis ma descente, contournant le village perché de Caldera et me rapprochant peu à peu d'une route nationale. L'axe de circulation surpasse la forêt par un long et hideux pont de béton qui succède à un tunnel dont je peux apercevoir l'entrée.

Je m'accorde un instant de répit avant d'arpenter l'accotement de la chaussée très fréquentée. Les véhicules me crachent au visage leurs gaz d'échappement et dès lors ma marche devient peu plaisante. J'arrive à Pieve Di Teco et me rends au bureau de poste pour affranchir ma quatrième lettre. Je me rends ensuite dans les vieilles ruelles du village afin d'y trouver de quoi manger. A cette heure-ci, les commerces sont fermés, seuls les cafés demeurent en activité. Je parviens à acheter un sandwich au jambon - fromage et une glace pour 3,5 euros. Je passe ensuite une rue en arcades le long de laquelle sont disposés les étals des commerçants. Tous sont recouverts d'un fin filet vert destiné à éviter le vol à l'étalage.  Quelques personnes âgées attablées par quatre devant l'enseigne d'un petit bistrot interrompent leur partie de cartes pour me regarder passer d'un air méfiant.  Je m'assieds sur une marche marquant l'entrée d'une allée perpendiculaire et y prends mon repas. Rassasié, je retourne près du bureau de poste et traverse la route nationale pour faire le plein d'eau dans des toilettes publiques.

Sans grand enthousiasme, je me remets à marcher sur le bord de la chaussée. La voie recommence à monter franchement en de larges virages le long de la montagne. Comme hier, je me rapproche doucement de l'épaisse couche nuageuse baignant les cimes des environs. Les bourgades se succèdent : Acquetico, Ottano, Pornassio… Je ne m'y attarde guère, plus de quelques minutes, le temps de reprendre mon souffle et de m'équiper contre l'humidité. Les camions sont nombreux et j'essaie d'évaluer la distance qui me reste à parcourir en les chronométrant entre l'instant où ils me dépassent et celui où je les vois passer la boucle qui me surplombe. L'avancée est longue et j'arrive enfin au sommet de cette côte : « Il colle di nava ». Plusieurs bars et hôtels se côtoient ici, se partageant sans doute la clientèle de routiers qui défilent quotidiennement. De nouveau, j'amorce ma descente. Le paysage est verdoyant, formé de vallées aux versants abrupts d'où jaillissent rocs et falaises. Bien qu'il ne pleuve franchement, l'eau déposée par la brume sur la végétation se rassemble et se met à ruisseler de partout, formant de tumultueux torrents ou d'incessants gouttes à gouttes le long des herbes longues et des fougères.

Je franchis le Tanaro au niveau de Ponte Di Nava et continue ma progression jusqu'à Cantarana. Une famille sort sur le seuil de sa maison pour engager la discussion mais la barrière linguistique, une fois de plus, limite le dialogue. Je parviens toutefois à obtenir à un bassin dans lequel coule avec force l'eau descendant de la montagne. Mes épaules me font de nouveau un peu mal et l'heure est déjà bien avancée. Il me faut trouver un endroit où passer la nuit et les environs ne se prêtent pas trop au camping. L'espace entre la route et la rivière est trop restreint et de l'autre côté le versant de la montagne est bien trop abrupt. Je n'ai d'autre choix que de continuer d'avancer, pressant un peu le pas pour ne pas me faire surprendre par la nuit. Je parviens finalement à trouver un chemin pierreux montant à une cascade artificielle dominant la route de quelques mètres. Conscient que je n'aurai pas de meilleur emplacement, j'effectue de petits aménagements afin de monter ma tente sur un sol horizontal et aussi souple que possible. Mon tapis de sol devrait m'assurer un confort suffisant pour que je puisse dormir.

31 octobre 2004

12ème lettre

Samedi 29 Mai

La nuit s'est bien passée malgré l'humidité ambiante. Je déjeune en finissant mon morceau de saucisson puis plie mes affaires et me remet en marche sur la petite route sinueuse. Je monte sur le flanc d'une petite montagne où sont éparpillées quelques maisons, gâchant un peu le calme que j'aime trouver en pleine nature. Je franchis un hameau à travers lequel la route se fait nettement plus abrupte. De petits monuments disposés ça et là de part et d'autre de la voie racontent en italien des passages de la bible, illustrés parfois de peintures assez mal conservées. Je poursuis ma progression sans vraiment m'attarder et atteints finalement le sommet de cette côte. Je m'arrête quelques instants pour apprécier la vue.

Le relief est à la fois doux et très prononcé. Quelques villages juchés sur des collines aiguës ou encaissés au fond des vallons se dominent les uns les autres. Les clochers des églises aux formes redondantes mais toujours légèrement différentes selon les paroisses semblent se répondre en émettant d'agréables mélodies au carillon rappelant un peu Brahms. Je distingue sur ma droite une chapelle bâtie sur un python rocheux et, un peu plus loin, un village perché sur une colline vers lequel je décide de me diriger.

La route descend un peu puis remonte en contournant l'édifice religieux. Je croise quelques promeneurs et arrive au village de Périnaldo. Le bourg est assez joli, parcouru de ruelles abruptes et d'escaliers aux marches larges que je gravis tranquillement à la recherche d'une cabine téléphonique et d'un commerce où je compte acheter des spécialités locales. Je trouve sans difficultés une petite épicerie située dans un petit recoin mal éclairé, en face d'une fontaine. Un duo de vieux messieurs discutant non loin m'affirme que l'eau qui coule ici est tout à fait potable et j'en fais quelques provisions. J'entre ensuite dans la boutique et me laisse conseiller par les commerçants.

Je repars avec un pot de pâté d'olive et deux petits fromages semblables à de la «vache qui rit». Je me dirige ensuite vers le parvis de l'église où j'espère trouver un téléphone mais mes recherches sont vaines. Un autre couple de retraités assis sur le seuil d'une petite maison m'indique que le seul téléphone disponible pour les touristes se trouve dans le bar, en bas du village. Je les remercie et m'assied sur les larges marches entourant l'édifice religieux et prends mon repas. Je déguste le pâté d'olive et m'étonne en constatant que cette pâte a une consistance très proche de celle de la rillette, bien qu'il n'y ai aucune viande dans les ingrédients. Ce met serait, je pense, fort appréciable tartiné sur des toasts et servis à l'apéritif.

Une fois rassasié je redescend les ruelles en direction du bar que l'on m'a indiqué. Les promeneurs que j'ai croisé un peu plus tôt sont attablés sur la petite terrasse de l'établissement et prenne un copieux repas. Je me dirige jusqu'au comptoir et parviens sans trop de mal à demander le téléphone qui se trouve dans les toilettes, accrochée au mur. J'essaie à plusieurs reprises d'utiliser ma carte téléphonique prépayée mais je tombe systématiquement sur ce qui semble être un message d'erreur en italien. Sans doutes ma carte n'est-elle pas compatible avec ce type d'appareils. Je remet donc à plus tard mon coup de fil et quitte l'établissement après un bref remerciement.

J'emprunte alors un chemin qui me mène dans des vergers en terrasse surplombant la route. Je consulte un instant ma carte et décide de me rendre à Apricale, le village que je voyais tout à l'heure au fond de la vallée.

Je retourne vers la chapelle pour prendre à droite à une intersection et descendre vers le bourg. La voie descend peu à peu vers le vallon en serpentant le long des versant de la montagne. La circulation y est presque inexistante et ma progression est plutôt agréable. Je franchis le petit cours d'eau coulant dans la vallée et recherche un passage sur la droite que ma carte mentionne comme un chemin carrossable. Il semblerait, selon mon document, que ce passage serait un raccourci vers le village de Baiardo, mais je peine à localiser le chemin sur place. Je trouve cependant une voie terreuse, bétonnée sur les quelques mètres précédent la route principale. Je m'y engage et entame une ascension par paliers. Les bords du chemin sont envahis de colonies de valérianes, une plante aux fleurs roses à la saveur agréable, légèrement piquante. Je dépasse quelques fermes et vergers et constate que le passage se rétrécit de plus en plus et s'éloigne lentement de la direction que je souhaite suivre. Je décide de m'arrêter un moment au bord de l'eau pour faire le point et me reposer. Je remplis au passage mes réserves d'eau et étudie pendant quelques temps la flore des environs.

Je me résous finalement à rebrousser chemin jusqu'à la route principale et continuer vers Apricale, cueillant encore au passage quelques valérianes.

Il est 17h00 lorsque j'arrive en bordure du village. Le carillon de l'église se remet à jouer son agréable mélodie complétée par celle des églises des autres villages voisins. Je poursuis toutefois mon chemin sans entrer dans le village, remontant vers Baiardo en arpentant les méandres de l'asphalte. La montée, longue et abrupte m'oblique à observer de fréquentes haltes pour reprendre mon souffle. Les plantations d'oliviers succèdent à de grandes serres noires que la route contourne en de longs zigzags. La circulation est toujours assez réduite, seuls quelques tracteurs et de petits véhicules à trois roues fonctionnant avec des moteurs à deux temps me croisent ou me dépassent. Peu à peu le soleil descend et la lumière devient plus oranger. Je commence à rechercher un endroit où passer la nuit mais les environs n'y sont pas très propices.

Je parviens néanmoins à repérer un chemin caillouteux sur la droite et m'y engage aussitôt, conscient que je n'aurais pas de meilleures opportunités avant la nuit. J'avance donc sur quelques centaines de mètres en direction d'une ruine surplombant le chemin. Le sol est assez rocailleux mais je parviens à planter ma tente entre des buissons d'aubépine. Quelques véhicules empruntent la voie pour se rendre dans une ferme située en contrebas et ne sachant pas si mon campement serait toléré, je préfère rester furtif jusqu'au lendemain matin.

Dimanche 30 Mai

La nuit s'est bien passée. Je refais mon sac et retourne sur la route pour poursuivre mon ascension vers Baiardo. Quelques ruines de fermes et de chapelles peuplent les versant dominés par la route. La forme assez particulière des clochers de ces vieilles bâtisses capte un instant mon attention et j'essaie d'en identifier le style architectural malgré mes connaissances très limitées dans ce domaine. Je continue d'avancer  sur cette côte toujours assez abrupte, croisant de nombreux cyclistes qui m'encouragent ou me saluent difficilement d'un geste de la main tout en luttant contre la montée. Je parviens enfin au village après de nombreux virages en épingle. Les coureurs du dimanche qui m'ont dépassé un peu plus tôt se sont rassemblés et m'ovationnent à mon arrivée au sommet. Certains tentent d'engager la conversation mais, bien que je parvienne à saisir quelques phrases, je ne dispose pas d'un vocabulaire et d'une maîtrise suffisante de la langue pour entretenir un véritable dialogue. Je salue néanmoins mes interlocuteurs et pénètre dans le centre de la paisible bourgade.

La rue principale a été convertie en place du marché où de petits étals se juxtaposent les uns aux autres. Les gens attroupés en petits groupes discutent gaiement en s'écartant sans se presser lors des rares passages des véhicules. Je repère une cabine téléphonique où je tente de joindre la France mais impossible d'établir la communication avec ma carte Kertel malgré mes tentatives répétées. Je décide de remettre à plus tard cet appel et me rends alors dans une petite épicerie. J'y achète quelques beignets semblables à ceux que l'on peut trouver sur nos plages, un morceau de fromage comparable à la tomme de Savoie ainsi qu'une sorte de carré de pain sec et fade vendu en tant que spécialité locale. La commerçante ne disposant plus de pain, je me rends dans une autre boutique pour compléter mes achats. Je retourne ensuite près de la cabine et m'assied sur un banc pour prendre mon repas.

Une fois rassasié, je réitère sans plus de succès de joindre la France, essayant d'abords depuis la cabine puis depuis un téléphone mis à la disposition des clients dans un bar. Je mobilise d'ailleurs tous les gens présents dans l'établissement afin de comprendre le message d'erreur, mais toujours pas de communication établie après près d'un quart d'heure. Je finis donc par renoncer et décide d'attendre demain pour obtenir quelques précisions auprès d'un bureau de poste, en espérant que des produits comparables à cette carte soient vendus en Italie.

Je me remet alors en marche, remplissant en passant mon réservoir d'eau à une fontaine à la sortie du village avant de recommencer à arpenter l'asphalte. Les sentiers pédestres sont hélas rarissimes mais heureusement la circulation automobile n'est pas très dense et ma progression est plutôt agréable.  Le soleil est chaud et mon épaule droite, rougie par une brûlure légère commence à me cuire. Peu à peu la route s'enfonce dans l'ombre rafraîchissante de la forêt et la douleur de on coup de soleil est rapidement calmée. Quelques cadavres écrasés de vipères de bonne taille et de scorpions noirs m'incitent à faire preuve de vigilance lorsque je m'assiérais dans l'herbe. 

J'atteins le col de « passo Ghimbegna » et amorce une redescente légère jusqu'à une intersection où une pancarte provisoire semble mentionner le déroulement en cours d'une sorte de rallye automobile amateur. Quelques personnes stationnées sur une aire de pique-nique et semble attendre la fin de la manifestation. Je les rejoins pour obtenir quelques informations complémentaires, mon déchiffrement du panneau n'étant pas vraiment limpide. J'engage alors la conversation avec un monsieur assis sur sa vespa. Celui-ci me confirme ce que j'avais compris et notre discussion se prolonge. Il m'apprend qu'il est américain, originaire de Seattle,  récemment installé dans le village voisin de Ceriana. Des bolides se succèdent toutes les cinq minutes environ, mais je n'y accorde que très peu d'attention, préférant de loin continuer de parler avec le monsieur à la vespa. Nous évoquons l'Italie, la France et mon voyage jusqu'à ce que les occupants de la voiture garée près de nous, vraisemblablement des organisateurs du rallye, décrochent le panneau fixé à l'arbre et quittent les lieux. J'attends encre quelques minutes pour être sur qu'aucun bolide retardataire ne surgisse puis je me remet en marche après avoir salué le monsieur de Ceriana.

La route descend  vers Vignai en passant de nombreux ruisseaux provenant de la montagne. Beaucoup de ces cours d'eaux ont été aiguillés par des canaux bâtis en pierre, parfois même ces constructions ressemblent à des édifices religieux entourés de zones arborées ceinturées de grilles les rendant inaccessibles aux passants. De proche en proche j'arrive au hameau de Vignai où trois personnes âgées assises sur des chaises pliantes au bord de la route me regardent passer.  Il me saluent en souriant et me font comprendre que le prochain village où je pourrais trouver un bureau de poste est Badalucco, situé à onze kilomètres d'ici.

Je ne m'attarde pas trop et continue ma progression, dépassant une chapelle à l'architecture comparable à la ruine de ce matin ainsi que des lieux-dits constitués des quelques fermes plus ou moins rénovées. Le soleil ne va pas tarder à se coucher et j'observe les environs tout en marchant afin de repérer un endroit où planter ma tente. Je contourne Ciabaudo et quelques habitations construites le long de la route pour enfin repérer une petite plantation d'oliviers sur ma gauche. Je grimpe donc sur ces terrasses étroites et observe un peu l'endroit. Les murets en pierre sèche qui maintiennent la terre sont partiellement éboulés et leur entretien semble laisser à désirer. Le sol porte encore les marques d'un écobuage récent mais c'est sans trop de mal que je parviens à dresser le camp.

18 octobre 2004

11ème lettre

Jeudi 27 Mai

Ma nuit est plutôt mouvementée sans cesse réveillé par les avions, les pécheurs et autres noctambules, alors je reprends ma marche d'assez bonne heure, je retourne sur la promenade pavée qui longe les plages, et qui se peuple de sportifs et amoureux du calme matinal. Je téléphone quelques nouvelles chez moi, puis poursuit ma progression par le port de plaisance où sont alignés des yachts de tous calibre, plus loin les ferries en partance pour la Corse où l'Italie.

J'opte pour la basse corniche qui s'élève peu à peu au dessus de la ville, ce point de vue me permet d'admirer la limpidité de l'eau qui contraste avec celle de Cannes et st Raphaël. Les larges trottoirs bordant la route facilitent mon déplacement, et les localités défilent lentement, Villefranche, Beaulieu, Eze… je m'arrête de temps en temps pour profiter du site, plus loin je craque pour une petite glace dans une petite cabane du bord de mer.

Je continue d'avancer, partagé entre l'appréciation de la propreté apparente du rivage et l'écoeurement provoqué par les effluves mêlées de crème solaire et de friture qui émanent de chaque endroit suffisamment vaste et proche de l'eau. De proche en proche j'arrive à Monaco. Tout ici transpire l'argent. Les immeubles sont modernes et majestueux, bâtis en verre et béton selon des architectures inspirées des bâtiments antiques. Les pelouses bordant les rues sont parfaitement entretenues, les trottoirs joliment pavés et ombragés par des îlots de verdure et de plantes colorées et luxuriantes. Ici la campagne anti-tabac n'est pas en vigueur et c'est sur des panneaux publicitaires de cinq mètres sur deux que les différentes marques vantent leurs produits.

J'atteins assez vite le centre-ville en contournant le palais princier et gagne le port où les ouvriers des services techniques municipaux s'affairent à démonter les tribunes installées pour le grand prix de formule un. Les rues et les trottoirs sont encore encombrés d'armatures métalliques et la traversée de la ville ne se fait pas sans quelques difficultés. Je parviens toutefois à gagner l'Est de la principauté où une femme agent de police monégasque procède à un contrôle d'identité. J'échange poliment quelques mots avec elle avant de reprendre ma marche et d'entrer dans le village voisin de Cap Martin. Je retourne sur la route nationale sept que j'arpente jusqu'à la tombée de la nuit. J'arrive alors à Menton et me met à la recherche d'un endroit où passer la nuit.

Je parcours une série de terrains vagues en pente sans parvenir à trouver d'endroits adéquats. Je continue donc d'avancer vers le rivage en espérant y trouver un lieu plus accueillant. Je longe une série de petites plages trop éclairées pour que j'y dresse le camp. Les promeneurs noctambules me dévisagent avec méfiance et je décide de passer par les quais afin de croiser le moins de monde possible. Je dépasse un fort et continue d'avancer sur le large trottoir qui surplombe à présent une série de restaurants alignés en bordure des plages. La plupart d'entre eux ne montre aucune activité nocturne et les bâtiments offrent un rempart efficace contre la clarté provenant des lampadaires. La fatigue me rend moins exigeant quant à l'emplacement où je vais passer la nuit et c'est à côté  de deux pédalos tirés sur le sable que je monte ma tente.

A peine ai-je fini de m'installer que je vois un homme se diriger dans ma direction. Je crains un instant de devoir repartir chercher un autre endroit où dormir, prenant l'individu pour le propriétaire des pédalos ou pour un vigil quelconque. Heureusement il n'est est rien. L'homme engage rapidement la conversation et vient s'adosser à l'une des embarcations échouées. Il s'appelle Sylvio et me dit être un habitant d'un village voisin. Il m'explique qu'il ne souhaite pas rentrer chez lui ce soir, s'étant un peu accroché avec son père il préfère passer la nuit sur la plage. Je lui prête ma couverture de survie et mon pull polaire pour qu'il se préserve un peu de la fraîcheur de la brise marine puis nous discutons jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Vendredi 28 Mai

La nuit a été plutôt brève,  plus encore pour Sylvio que pour moi car l'air marin semble l'avoir fréquemment tiré du sommeil. Au petit matin je plie bagage sans prendre le temps d'attendre que ma tente sèche et j'accompagne Sylvio à travers les rues de Menton. Notre rencontre semble l'enthousiasmer et il me fait part de toute une série de projets professionnels dans lesquels il aimerait que je le suive. Il me parle également de ses problèmes familiaux et de ses ennuis de santé. Il m'offre ensuite un chocolat chaud dans un café près de la gare où je profite de la présence de cabines téléphoniques pour prévenir mes parents que je franchirais la frontière vraisemblablement dans la journée.

Je continue ensuite de suivre mon compagnon d'un jour à travers la ville pour rechercher à présent un cardiologue. Nous entrons dans plusieurs cabinets d'où nous nous faisons chasser avec tact et plus ou moins de courtoisie. Nous renonçons finalement à consulter un spécialiste du cœur et poursuivons notre visite de Menton jusqu'à un petit parc d'attraction nommé Koaland. Sylvio espère y retrouver une amie qui y travaille mais le parc est encore très peu fréquenté et la personne que nous sommes sensé rencontrer au dojo d'initiation aux arts martiaux est absente. Nous nous contentons alors d'un moment de repos assis sur des bancs près d'un enclos où sont parquées quelques biches.

Sylvio me demande ensuite de contacter sa mère depuis une cabine téléphonique en utilisant une carte Kertel similaire à la mienne et de lui donner rendez-vous vers le minigolf de Koaland. Je le fais puis nous l'attendons pendant une petite demi heure au cours de laquelle Sylvio essaie de me convaincre de le suivre en Suisse puis en Corse pour une semaine mais je décline sa proposition, préférant poursuivre mon voyage comme je l'entends. Lorsque la dame que nous attendons arrive Sylvio fait les présentations et nous discutons un moment avant que je décide de me remettre en route vers l'Italie.

Je salue donc mon compagnon d'un jour et sa mère puis arpente de nouveau la promenade de bord de mer que j'ai suivi hier soir. Il est un peu plus de midi et les touristes ont envahi les lieux. Je continue d'avancer sans m'attarder jusqu'au poste frontière désaffecté. Une légère appréhension me gagne et je m'arrête dans une petite boutique pour demander un mini dictionnaire franco-italien mais le marchand me suggère de me rendre à Ventimiglia où je trouverais ce que je cherche.

Je continue donc de longer la route côtière, traversant trois tunnels de longueurs variées et me reposant un instant sur un muret pour rédiger mon journal. Quelques baigneurs se faufilent à travers la garrigue, franchissant la voie de chemin de fer pour rejoindre sans doutes une plage tranquille en contrebas de la route.

Une fois mon journal à jour je repars et parcours les quelques kilomètres restants avant d'atteindre Ventimiglia. La première impression que me laisse l'endroit n'est pas des plus flatteuses. Des immeubles datant probablement des années cinquantes sont peints dans des tons allant du jaune au roux et les stores sont presque tous vert sombre, formant un ensemble que je trouve fort peu harmonieux. Les autoroutes et les voies rapides surpassent la vallée sur d'hideux ponts de béton en dessous desquels s'agglutinent d'horribles bâtiments industriels. Je me dirige vers le centre en me rend compte que les rues sont envahies de touristes français, la circulation automobile et très dense et dépourvue de fluidité.

Cette atmosphère urbaine a tôt fait de me taper sur les nerfs et après une brève escale dans un office de tourisme où l'on me remet une petite carte des environs je m'efforce de quitter la ville au plus vite. Je décide de m'éloigner du littoral en suivant le lit de la Nervia en direction de la montagne. Une courte averse m'incite à m'équiper conter la pluie. Je passe sous le haut pont de l'autoroute et m'arrête à Camporosso pour acheter du pain. Je casse brièvement la croûte sur un banc avant de poursuivre mon avancée vers le nord.

J'arrive alors à Dolce Acqua, un village qui s'étend sur les deux rives de la rivière mais dont seule la partie est suscite de ma part un certain intérêt. Le vieux bourg aux maisons anciennes enchevêtrées les unes aux autres le long d'étroites ruelles pavées est dominé par l'imposante ruine de ce qui semble être un édifice religieux. Quelques consolidation récentes ôtent toutefois un peu de charme au site que je contemple néanmoins depuis divers points de vue dont notamment un pont à l'architecture typique, sans doutes contemporain au reste du vieux village.

Je poursuis ma progression après une rapide visite de site en arpentant une petite route qui s'élève en zigzaguant au dessus de la vallée. Le vacarme des débroussailleuses lointaines est propagé par l'acoustique des lieux et gâche un peu le sentiment de calme qui accompagne ma marche. Je grimpe ainsi jusqu'au couché du soleil en suivant les larges boucles de la route et dépassant quelques maisons de plus en plus espacées. Un nouvel orage éclate et je profite d'un endroit à peu près horizontal de la route pour dresser ma tente entre deux oliviers jouxtant la ruine d'une ferme envahie par les herbes.

2 octobre 2004

10ème lettre

Mercredi 26 Mai

Je me réveille tôt, je commence à plier mon dortoir lorsque arrive une dame et sa petite fille pour nourrir une chatte errant dans les parages. Ma présence les surprend et semble les déranger mais après une explication courtoise je continue de ranger et me met en route vers 9h. Je déambule dans les rue, où, dans une boulangerie je m'achète un pain aux douze céréales, puis m'enquiers auprès de la clientèle du meilleur parcours à prendre pour rejoindre Nice. Le bord de mer semble le plus apte à éviter les grands axes routiers. Je rejoins donc la bruyante nationale 7, je trouve un sentier tracé dans un parc de Villeneuve Loubet, je m'y arrête un moment pour manger un peu, puis repars forcé d'emprunter la nationale.

Mon jean légèrement humide m'irrite l'intérieur des jambes et je dois faire de fréquentes haltes pour atténuer le mal, contournant de larges carrefours je franchis à plusieurs reprises l'autoroute et la voie rapide, ainsi qu'une rivière où barbotent une multitude de canards, que je contemple un instant, assis sur un banc, puis je repars direction Cagnes-sur-mer passe devant un terrain de bicross, un camping et quelques habitations, où je trouve sur le bord de la route une chevalière poinçonnée un peu terne que je garde en souvenir. Au bout d'un moment j'arrive dans un cul de sac et rebrousse chemin pour trouver une issue, je contourne les services techniques de Cagnes pour monter en direction de St Laurent du Var.

Après avoir suivit une ligne de bus de plusieurs kilomètres, j'avance du coté du nord à la recherche d'un pont pour franchir le Var, plus loin j'engage la conversation avec un groupe de jeune, au nombre de question je vois que mon voyage semble les intéresser, je leur laisse l'adresse du Blog avant de repartir dans la direction qu'ils m'ont conseillée. Je m'arrête à St Laurent pour acheter un paquet de pain de mie et une barquette de beurre puis je vais sur la rive du Var pour casser la croûte. La rivière a un débit important, son lit est large et ramifié et offre de nombreux refuges à la faune qui y vit.

Je traverse un pont un peu plus loin puis arrive, au crépuscule, au panneau de Nice, je longe longuement les installations de l'aéroport, puis trouve une plage de galets où je cherche un recoin pour passer la nuit à l'écart des lampadaires.

Jeudi 27 Mai

Ma nuit est plutôt mouvementée sans cesse réveillé par les avions, les pécheurs et autres noctambules, alors je reprends ma marche d'assez bonne heure, je retourne sur la promenade pavée qui longe les plages, et qui se peuple  de sportifs et amoureux du calme matinal. Je téléphone quelques nouvelles chez moi, puis poursuit ma progression par le port de plaisance où sont alignés des yachts de tous calibre, plus loin les ferries en partance pour la Corse où l'Italie.

J'opte pour la basse corniche qui s'élève peu à peu au dessus de la ville, ce point de vue me permet d'admirer la limpidité de l'eau qui contraste avec celle de Cannes et st Raphaël. Les larges trottoirs bordant la route facilitent mon déplacement, et les localités défilent lentement, Villefranche, Beaulieu, Eze… je m'arrête de temps en temps pour profiter du site, plus loin je craque pour une petite glace dans une petite cabane du bord de mer.

Je continue d'avancer, partagé entre l'appréciation de la propreté apparente du rivage et l'écoeurement provoqué par les effluves mêlées de crème solaire et de friture qui émanent de chaque endroit suffisamment vaste et proche de l'eau. De proche en proche j'arrive à Monaco. Tout ici transpire l'argent. Les immeubles sont modernes et majestueux, bâtis en verre et béton selon des architectures inspirées des bâtiments antiques. Les pelouses bordant les rues sont parfaitement entretenues, les trottoirs joliment pavés et ombragés par des îlots de verdure et de plantes colorées et luxuriantes. Ici la campagne anti-tabac n'est pas en vigueur et c'est sur des panneaux publicitaires de cinq mètres sur deux que les différentes marques vantent leurs produits. J'atteints assez vite le centre-ville en contournant le palais princier et gagne le port où les ouvriers des services techniques municipaux s'affairent à démonter les tribunes installées pour le grand prix de formule un. Les rues et les trottoirs sont encore encombrés d'armatures métalliques et la traversée de la ville ne se fait pas sans quelques difficultés. Je parviens toutefois à gagner l'Est de la principauté où une femme agent de police monégasque procède à un contrôle d'identité. J'échange poliment quelques mots avec elle avant de reprendre ma marche et d'entrer dans le village voisin de Cap Martin. Je retourne sur la route nationale sept que j'arpente jusqu'à la tombée de la nuit. J'arrive alors à Menton et me met à la recherche d'un endroit où passer la nuit.

Je parcours une série de terrains vagues en pente sans parvenir à trouver d'endroits adéquats. Je continue donc d'avancer vers le rivage en espérant y trouver un lieu plus accueillant. Je longe une série de petites plages trop éclairées pour que j'y dresse le camp. Les promeneurs noctambules me dévisagent avec méfiance et je décide de passer par les quais afin de croiser le moins de monde possible. Je dépasse un fort et continue d'avancer sur le large trottoir qui surplombe à présent une série de restaurants alignés en bordure des plages. La plupart d'entre eux ne montre aucune activité nocturne et les bâtiments offrent un rempart efficace contre la clarté provenant des lampadaires. La fatigue me rend moins exigeant quant à l'emplacement où je vais passer la nuit et c'est à côté  de deux pédalos tirés sur le sable que je monte ma tente.

A peine ai-je fini de m'installer que je vois un homme se diriger dans ma direction. Je crains un instant de devoir repartir chercher un autre endroit où dormir, prenant l'individu pour le propriétaire des pédalos ou pour un vigil quelconque. Heureusement il n'est est rien. L'homme engage rapidement la conversation et vient s'adosser à l'une des embarcations échouées. Il s'appelle Sylvio et me dit être un habitant d'un village voisin. Il m'explique qu'il ne souhaite pas rentrer chez lui ce soir, s'étant un peu accroché avec son père il préfère passer la nuit sur la plage. Je lui prête ma couverture de survie et mon pull polaire pour qu'il se préserve un peu de la fraîcheur de la brise marine puis nous discutons jusqu'à une heure avancée de la nuit.

Vendredi 28 Mai

La nuit a été plutôt brève,  plus encore pour Sylvio que pour moi car l'air marin semble l'avoir fréquemment tiré du sommeil. Au petit matin je plie bagage sans prendre le temps d'attendre que ma tente sèche et j'accompagne Sylvio à travers les rues de Menton. Notre rencontre semble l'enthousiasmer et il me fait part de toute une série de projets professionnels dans lesquels il aimerait que je le suive. Il me parle également de ses problèmes familiaux et de ses ennuis de santé. Il m'offre ensuite un chocolat chaud dans un café près de la gare où je profite de la présence de cabines téléphoniques pour prévenir mes parents que je franchirais la frontière vraisemblablement dans la journée.

Je continue ensuite de suivre mon compagnon d'un jour à travers la ville pour rechercher à présent un cardiologue. Nous entrons dans plusieurs cabinets d'où nous nous faisons chasser avec tact et plus ou moins de courtoisie. Nous renonçons finalement à consulter un spécialiste du cœur et poursuivons notre visite de Menton jusqu'à un petit parc d'attraction nommé Koaland. Sylvio espère y retrouver une amie qui y travaille mais le parc est encore très peu fréquenté et la personne que nous sommes sensé rencontrer au dojo d'initiation aux arts martiaux est absente. Nous nous contentons alors d'un moment de repos assis sur des bancs près d'un enclos où sont parquées quelques biches.

Sylvio me demande ensuite de contacter sa mère depuis une cabine téléphonique en utilisant une carte Kertel similaire à la mienne et de lui donner rendez-vous vers le minigolf de Koaland. Je le fais puis nous l'attendons pendant une petite demi heure au cours de laquelle Sylvio essaie de me convaincre de le suivre en Suisse puis en Corse pour une semaine mais je décline sa proposition, préférant poursuivre mon voyage comme je l'entends. Lorsque la dame que nous attendons arrive Sylvio fait les présentations et nous discutons un moment avant que je décide de me remettre en route vers l'Italie.

Je salue donc mon compagnon d'un jour et sa mère puis arpente de nouveau la promenade de bord de mer que j'ai suivi hier soir. Il est un peu plus de midi et les touristes ont envahi les lieux. Je continue d'avancer sans m'attarder jusqu'au poste frontière désaffecté. Une légère appréhension me gagne et je m'arrête dans une petite boutique pour demander un mini dictionnaire franco-italien mais le marchand me suggère de me rendre à Ventimiglia où je trouverais ce que je cherche.

Je continue donc de longer la route côtière, traversant trois tunnels de longueurs variées et me reposant un instant sur un muret pour rédiger mon journal. Quelques baigneurs se faufilent à travers la garrigue, franchissant la voie de chemin de fer pour rejoindre sans doutes une plage tranquille en contrebas de la route.

Une fois mon journal à jour je repars et parcours les quelques kilomètres restants avant d'atteindre Ventimiglia. La première impression que me laisse l'endroit n'est pas des plus flatteuses. Des immeubles datant probablement des années cinquantes sont peints dans des tons allant du jaune au roux et les stores sont presque tous vert sombre, formant un ensemble que je trouve fort peu harmonieux. Les autoroutes et les voies rapides surpassent la vallée sur d'hideux ponts de béton en dessous desquels s'agglutinent d'horribles bâtiments industriels. Je me dirige vers le centre en me rend compte que les rues sont envahies de touristes français, la circulation automobile et très dense et dépourvue de fluidité.

Cette atmosphère urbaine a tôt fait de me taper sur les nerfs et après une brève escale dans un office de tourisme où l'on me remet une petite carte des environs je m'efforce de quitter la ville au plus vite. Je décide de m'éloigner du littoral en suivant le lit de la Nervia en direction de la montagne. Une courte averse m'incite à m'équiper conter la pluie. Je passe sous le haut pont de l'autoroute et m'arrête à Camporosso pour acheter du pain. Je casse brièvement la croûte sur un banc avant de poursuivre mon avancée vers le nord.

J'arrive alors à Dolce Acqua, un village qui s'étend sur les deux rives de la rivière mais dont seule la partie est suscite de ma part un certain intérêt. Le vieux bourg aux maisons anciennes enchevêtrées les unes aux autres le long d'étroites ruelles pavées est dominé par l'imposante ruine de ce qui semble être un édifice religieux. Quelques consolidation récentes ôtent toutefois un peu de charme au site que je contemple néanmoins depuis divers points de vue dont notamment un pont à l'architecture typique, sans doutes contemporain au reste du vieux village.

Je poursuis ma progression après une rapide visite de site en arpentant une petite route qui s'élève en zigzaguant au dessus de la vallée. Le vacarme des débroussailleuses lointaines est propagé par l'acoustique des lieux et gâche un peu le sentiment de calme qui accompagne ma marche. Je grimpe ainsi jusqu'au couché du soleil en suivant les larges boucles de la route et dépassant quelques maisons de plus en plus espacées. Un nouvel orage éclate et je profite d'un endroit à peu près horizontal de la route pour dresser ma tente entre deux oliviers jouxtant la ruine d'une ferme envahie par les herbes.

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23 août 2004

9ème Lettre

Quelques photos de notre globe trotteur lors de son passage à Valence fin mai et de notre rencontre à Vienne fin juilletsa forme est bonne et il est déterminé à finir son périple.

départ de Valence fin mai    retrouvailles à Berndorf Autriche, fin juillet     une  nuit à l'hotel

 

A Bratislava en république Slovaques .        La  visite de Vienne 

Toujours autant de retard dans ses lettres où il n'est qu'à la hauteur de Cannes sur la cote d'azur.A l'heure où je poste ce blog, il visite la ville de Pragues

Vendredi  21 mai 2004

Le soleil est déjà haut et chaud lorsque j'ouvre les yeux, et tout mon matériel est sec quand je remballe. Je poursuis le sentier d'hier qui se nomme sentier du « cabre », lequel se divise et se perd dans la garigue, je remonte dans une gorge abrupte creusée par un ruisseau jusqu'à une piste plus marquée empruntée par des chevaux. Là je surprends un couple de sangliers, qui sortait des fourrés en trottinant, et qui s'enfuit à ma vue. J'arrive quelques minutes après sur une petite route où je rencontre un trio de cyclistes, qui me renseignent sur ma position, à première vue ma route a dérivé vers le nord, je décide de suivre la route en direction du sud. Je dépasse quelques lotissements puis un centre équestre avant d'arriver sur une nationale longée par une piste cyclable, que j'emprunte pour cheminer à l'abri du trafic assez dense.

A Agay je m'arrête dans une épicerie pour acheter un pain, et je pars téléphoner à ma famille pour leur confirmer mon intention d'assister à l'enterrement de ma grand-mère. Puis je traverse la ville par le bord de mer, je me rends compte que j'ai oublié ma bouteille d'eau sur la tablette de la cabine, je préfère en acheter une autre plutôt que d'y retourner, j'en profite pour prendre un sandwich au pâté, les prix sont plutôt élevés, conséquence de l'arrivée des touristes qui commencent à remplir les plages. Je repars vers l'est après avoir mangé mon sandwich à l'ombre d'une haie près d'un club de voile. Je longe, sans plaisir, la route du littoral où motos et voitures circulent à vive allure m'obligeant à me plaquer à la paroi rocheuse à chaque virage et attendre que le flot soit passé pour poursuivre jusqu'au virage suivant, je traverse quelques villages où d'étroits trottoir facilitent un peu ma progression.

Je n'ai plus d'eau et la soif m'incite à partir en quête d'un point d'eau dans les rues du Trayas. Je n'y trouve rien, alors je m'adresse à un monsieur qui consent aimablement à remplir ma petite bouteille. De là je poursuit jusqu'à une agence immobilière  dont la gérante m'autorise à remplir ma réserve de 5 litres. Je passe sous des viaducs de la ligne SNCF, apercevant des petites criques rocheuses envahies de déchets et de crasse mousseuse apportés par le ressac, au large des jet skis et  hors bords font des ronds dans l'eau entre les yachts au mouillage tout ça dans un lointain vacarme modulé et monotone. Puis des plages de sable gris d'où proviennent des odeurs d'huile solaire contrastant avec les effluves iodées du varech en décomposition.

J'arrive à Théoule, je m'y achète 4 œufs, quelques tranches de saucisson et un morceau de gruyère que je vais manger en partie sur une plage proche. Le calme est revenu et les restaurants côtiers commencent à se remplir, j'attends que le soleil disparaisse pour m'acheminer vers Cannes que j'aperçois de l'autre coté de la baie. Ma progression sur les plages n'est pas toujours possible et je dois retourner sur la route fréquemment. Les éclairages municipaux s'activent peu à peu illuminant ma route jusqu'à perte de vue. Un panneau annonce la ville de Cannes, je me mets en quête d'une place pour dormir, sachant que les plages sont interdites au camping, j'entre en ville. J'envisage de passer la nuit sous un pont que forment le chemin de fer et le boulevard que j'arpente,et sous lequel s'avance un bras de mer nourrit par les vagues, j'inspecte l'endroit qui n'est pas un modèle de propreté. Le sable s'est accumulé davantage à proximité du rivage et je pense m'installer là, mais je renonce finalement à cette idée lorsqu'une vague plus forte que les autres inonde la zone en question et que des rats arrivent en nageant pour grignoter les détritus qui jonchent le sol.

C'est vers le parc d'une propriété, où je pénètre discrètement, que je me dirige. J'avance entre une haie de cyprès et le grillage délimitant la voie ferrée  jusqu'à l'angle de la propriété près du parking réservé aux résidents. Je monte ma tente dans l'obscurité partielle, puis je m'efforce de dormir malgré le trafic incessant de la route voisine, et  l'intense vacarme accompagné de souffles violents provoqué par le passage des trains.

Samedi 22 Mai

Las d'être fréquemment réveillé je lève le camp à 6h, une dame vient me voir, nous échangeons quelques mot, ma présence semble l'incommoder, le gardien lui aurait dit que je suis son neveu, et je lui dois sûrement de ne pas avoir été chassé. Je croise d'ailleurs le gardien en question qui m'explique que, ma propreté et ma discrétion l'on incité à tolérer ma présence, je le remercie et retourne sur le boulevard coté mer pour entrer dans le centre de Cannes, je croise de nombreux amateurs de footing alors que les acharnés du bronzage installent déjà leur chaise pliante sur les plages désertes où quelques téméraires s'offrent un bain de mer matinal, qui, en cette saison doit être plutôt vivifiant.

Les services municipaux nettoient le sable en le tamisant, et vident les nombreuses poubelles disposées le long du trottoir tandis que les premières cabanes ouvrent leur rideau de fer. Je marche plus d'une heure pour arriver au centre ville qui s'anime peu à peu, les passants cosmopolites commencent à déambuler dans les rues piétonnes en attendant d'aller assister à l'évènement très médiatique de la ville. C'est en effet aujourd'hui le dernier jour du festival de Cannes, lequel d'ailleurs ne m'intéresse que de très loin. Je parcours quelque rue afin de dénicher la gare et m'informer des horaires des trains. Il ne me faut pas moins de trois banques avant de pouvoir utiliser ma carte bleue et retirer l'argent nécessaire, puis je retourne à la gare acheter mon titre de transport et monter dans la voiture de mon train qui quitte Cannes à 9h36.

Le voyage se passe sans problème à part la correspondance de Marseille qui dure une heure, pendant laquelle je fini les vivres qu'il me reste. La seconde partie du parcours se passe aussi bien, je passe le temps à essayer de reconnaître  les endroits où j'ai longée cette voie ferrée que je vois défiler à vive allure. J'arrive à la gare de Valence à 15h30, et parcours à pied les derniers mètres qui me séparent de chez moi. Les retrouvailles sont un peu euphoriques et se poursuivent  autour d'un verre  et de parts de gâteau préparé par la grand-mère qui, pratique aussitôt un examen de ma personne et estime que j'ai dû perdre au moins 10 kg. Les commentaires sont partagés, pour les uns j'ai bonne mine, pour d'autres je parais fatigué. Pendant que mes affaires sont passées à la machines, je conte quelques anecdotes pendant une partie de l'après midi.

En début de soirée, informés je ne sait comment, les copains déferlent pour m'inviter à une grillade partie, mais ma mauvaise nuit précédente m'incite à décliner leur invitation préférant me coucher tôt après une bonne douche…

Dimanche 23 Mai

Je me réveille vers 9h30 et passe la journée à manger plus que d'habitude et reconstituer un peu mes réserves pour la suite du voyage. Le jour des obsèques arrive, je rejoins ma famille chez des cousins où se tient une réunion pour un petit repas de circonstances, puis nous allons tous assister à la cérémonie, instants tristes auquel j'ai voulu assister par respect pour ma grand-mère.

Puis une bonne partie des personnes présentes se retrouve chez mes parents pour évoquer des souvenirs qu'ils avaient en commun avec ma défunte grand-mère, toutes ces retrouvailles mettant un peu de baume au cœur.

Lundi 24 Mai

Le jour suivant je reconditionne mon sac, abandonnant quelques affaires au passage, je prends rendez-vous avec mes parents pour la fin juillet à Vienne en Autriche, puis ma grand-mère m'accompagne à la gare. Mon retour sur Cannes se passe bien, voyage agrémenté par une ribambelle de gamins, en classe de mer, pour le moins très agitée (pas la mer, la classe !). Je sors de la gare en milieu d'après-midi et prends d'emblée la direction du nord-est, en direction de Valauris, pour échapper à l'effervescence de la ville. Je suis une petite route jusqu'à Antibes après avoir contourné Valauris, là je pénètre en ville et traverse quelques quartiers d'immeubles où j'essaie de trouver un endroit acceptable pour dormir. Ne souhaitant pas passer la nuit à déambuler comme à Cannes, je jette mon dévolu sur le premier terrain vague que je repère, je monte une pente abrupte et traverse une haie clôturant un terrain de jeu mal entretenu. L'endroit est globalement plat équipé d'un portique rouillé dépourvu de balançoire et de deux bancs très abîmés, des chaises en plastique cassées sont enfouies dans les branchages. Je m'installe discrètement, puis rédige un peu de mon journal avant la tombée de la nuit, et je m'endors espérant que ma présence n'importunera personne.

 

26 juillet 2004

7ème Lettre

Vendredi  14 mai

La nuit n’a pas été très chaude, l’humidité ambiante a fait nettement chuter la température, le soleil en s’élevant dans le ciel bleu, réchauffe l’atmosphère et sèche un peu mon matériel de camping, mais l’environnement est tellement mouillé que je fini par remballer et me remettre en marche. Ma route se change en chemin puis en sentier avant de disparaître dans les broussailles, je continu toujours passant à coté d’abris de chasse dont le camouflage de branches, datant de la dernière saison, est complètement roussis par le soleil. Quelques volatiles rescapés de la chasse s’envolent à mon approche. Je franchis un petit vallon en enjambant précautionneusement l’enchevêtrement de buissons épineux et grimpe sur une colline pour atteindre un chemin défoncé au bord duquel je m’arrête pour casser la croûte. Au menu : anchois roulés sur une tranche de pain et saucisse sèche à l’ail. Je repars, arpentant le chemin qui devient plus praticable.

J’arrive dans la cour d’une sorte de ferme où sont garées de nombreuses voitures, il n’y a pas âme qui vive hormis un chien abrité sous une voiture qui se contente de remuer la queue en me voyant approcher, je ne m’attarde pas et continu ma marche un long moment au soleil jusqu'à un lotissement isolé, là je demande un peu d’eau a un habitant, ainsi que des renseignements sur les differents villages que l’on aperçois d’ici. Je prends la direction de la Verdiere. La circulation est dense sur cette départementale interminable qui m’amène en fait a Ginasservis, j’ai dû mal comprendre mon interlocuteur ! Je visite rapidement le village où rien n’attire mon attention à part le coté froid et indifférent des habitants, je refais le plein d’eau puis m’équipe contre la pluie à la vue de nuages menaçants qui s’amoncellent. Je reprends la route de la Verdière en contournant un petit cirque installé dans un champ. Les petits chemins de campagne que je prends finissent toujours par revenir sur la route, l’orage éclate, accompagné d’éclairs et de coups tonnerre, la pluie est moins intense que celle d’hier, mes talons me font mal comme s’ils s’écrasaient sur eux même, j’avance lentement car je pense que ce problème est dû à mes parcours sur route. Une zone pavillonnaire, bâtie le long de la route, s’annonce, je la traverse entièrement puis décide d’installer ma tente à cote d’une maison inoccupée et d’un pâturage  dissimulé derrière un talus. Je m’endors tranquillement bercé par les bêlements rassurant d’un troupeau de moutons tout proche

Samedi 15 Mai

Je décolle à 10 heure avec mon « jean » encore humide de la pluie d’hier, il séchera pendant ma marche ! je longe un chemin puis par la route j’arrive à la Verdiere.   Village sans intérêt touristique mais les habitants y sont plus accueillants et  souriants, j’achète un peu de pâté de campagne, une tome de chèvre et un saucisson fabriqué dans la région selon l’épicier qui m’offre en plus quelques tomates. Je le remercie puis je me rends à la mairie, guidé par une jeune fille serviable, pour glaner quelques infos sur les sentiers pédestre conduisant à Montmeyan. Une sorte de conférence semble se tenir à l’hôtel de ville, je m’adresse aux personnes s’occupant de l’accueil et de la reprographie, qui me conseillent vivement de rester sur la route, Je m’engage donc sans enthousiasme pour douze kilomètres de route bitumée et trafiquée.

Je passe une cote puis évolue sur un petit plateau où de nombreux cyclistes me dépassent en m’encourageant. Je fais une pose pour manger des tomates et un peu de pâté, que je trouve succulent. Je reprends ma route bordée de forets, après trois heures de marche j’aperçois Montmeyan , il est bâti autour d’une tour du 12e siècle et l’agencement des constructions confère à l’ensemble un aspect atypique intéressant, je constate qu’une grande partie des maisons semblent inoccupée, servant probablement de résidences secondaire. Je trouve toutefois une cabine téléphonique, envahie d’insectes volant, il est 13 heure j’appelle mes parents qui sont en train de manger des rouleaux de printemps en compagnie de grand-mère ma sœur et son copain. J’échange quelques nouvelles avec chacun d’eux, puis je pars à la recherche d’une fontaine que je trouve au centre du village, j’y croise un couple de randonneurs avec lequel je discute quelques instants, puis je reprends ma route après avoir fait le plein d’eau fraîche. A ma demande des gens du coin m’indiquent une piste qui traverse un parc naturel et permet, avec une boussole, de rejoindre le village d’Aups sans difficulté.

    Je suis leurs indications par une petite route de campagne qui arrive comme prévu dans l’enceinte du parc où la route se transforme en piste de terre. La pluie recommence à tomber doucement, je prends mon k-way et couvre mon sac à dos, je prends la direction de l’est d’un bon pas malgré une douleur persistante dans mes talons. J’évolue agréablement pendant plus de trois heures dans ce parc aux senteurs forestières révélées par la pluie. Vers 19h je m’arrête pour monter ma tente au bord du chemin dans les fougères, j’entends le bruit de la circulation routière au loin, et évalue ma position sur la carte en tenant compte de mes observations. Alors que l’obscurité est tombée deux coups de sirène retentissent au loin, sans doute un appel aux pompiers pour un accident ou un incendie. J’essaie de trouver le sommeil accompagné par des pulsations lointaines provenant sans doute d’une discothèque des environs.

Dimanche 16 Mai

Les passages répètes d’un tracteur sur le chemin voisin me tirent du sommeil, le ciel est totalement dégagé, le vent est nul et rien ne laisse penser qu’un incident grave a pu se produire hier soir nécessitant l’intervention des  pompiers. Je range mes affaires et me remets en route vers 10h, quelques centaines de mètres plus loin les chênes de la forêt cèdent leur  place à des pins dont le parfum envahi l’air, aussitôt l’ambiance m’évoque les vacances passées au bord de la mer. Je m’étonne de constater l’effet que peut avoir un simple parfum sur l’état d’esprit et la motivation. Je me réfère à ma boussole à chaque division de la piste pour garder le cap à l’est. J’arrive en vue d’un vaste domaine bordé de panonceaux stipulant que toute chasse est interdite, et qu’un élevage de chevaux de courses est à proximité, je contourne, par le nord, cet haras nommé « gros bec », et trouve une petite route qui me conduit au village de Moissec, un bourg perché sur une colline aux versants abrupts que j’escalade par un chemin noyé sous les arbres, je parcours les ruelles jusqu'à une place d’où je peu admirer la vallée. Je me réapprovisionne en eau à un robinet disposé à coté d’une fontaine, puis demande dans un café s’il est possible d’acheter du pain, le patron me répond qu’il n’en a plus et que la boulangerie la plus proche se trouve à Aups où, les commerces devraient être ouverts, car une fête s’y tient aujourd’hui. 

  Je remercie l’assistance puis je redescends vers Aups, je parcours les 5 km  sur le bitume en plein soleil avant d’y arriver, à première vue le village n’est pas très animé, les commerces n’ouvrent pas avant 15h, je m’avance vers le centre sur une place où les manèges d’une fête foraine s’installent, on m’apprend que les festivités débuteront vers 16h. Je décide d’attendre 15h pour reposer mes talons et pour pouvoir acheter du pain. Je vais m’asseoir sur un seuil de pierre dans une ruelle calme et ombragée à coté d’un robinet fuyant où je prends de l’eau. Je patiente en lisant mon livre de botanique, puis, quand 15h sonne, je retourne devant les boulangeries que j’ai repère, et qui restent obstinément fermées. À 15h30,  je décide de repartir avant de devoir affronter la cohue des fêtards qui commencent à affluer. Je remarque un camping à la sortie du village où l’on m’autorise à prendre une douche contre 1 €, l’instant est apprécié !

Je reprends une route montante en long virages, que je coupe cours en utilisant l’ancienne route beaucoup plus sinueuse partiellement transformée en tronçon de chemins de terre. Je traverse une ancienne décharge dont le sol est jonché de plastique et autres déchets divers à demi enfouis ; Je décide d’accéder à la crête par un sentier montant sur la droite, je cadre est plus agréable et je peu contempler la vallée tout en marchant, j’avance un moment puis redescend vers quelques maisons isolées, il se fait tard, un joli pré sur ma gauche me parait idéal pour passer la nuit, je m’installe dans l’herbe grasse à l’abri d’une plantation de saule à proximité d’un petit ruisseau.

Lundi 17 Mai

Le klaxon du boulanger me réveille, le soleil brille et j’entends le vent dans la cime des arbres, il est 9h30 je longe quelques villas en allant vers Tourtour, sous un vieux lavoir une dame âgée lave son linge en chantonnant, j’entre dans le village aux ruelles pavées à la recherche du bureau de poste, l’endroit est très plaisant, les administrations concernées ont dissimulé au maximum les installations inesthétiques modernes, beaucoup de maisons sont fleuries et ornées de détails simples et singulier qui s’intègrent parfaitement à l’ensemble, plongeant le visiteur dans une époque médiévale fascinante. Je poste ma lettre et achète un pain aux céréales ainsi qu’une part de quiche à l’oignon que je mange immédiatement. A la mairie l’employée me remet une photocopie de carte répertoriant les circuits pédestres des alentours.

Je me dirige avec ce document vers une petite route serpentant agréablement entre les propriétés, puis trouve une voie sablonneuse signalée comme étant une voie romaine, je marche d’un bon pas sur cette voie descendante laissant sur ma gauche les ruines d’une abbaye bien conservée mais totalement envahies par la végétation, je traverse un petit pont et quelques hameaux avant d’arriver sur une route partant dans la forêt, je m’y arrête un moment pour casser la croûte. J’arrive à Draguignan par un long boulevard, j’y trouve une cabine téléphonique, puis après avoir passé mon coup de fil me rends au centre ville. Le brouhaha du monde et de la circulation me fait fuir, je pars vers le sud, traversant plusieurs fois le Nartubi sur d’étroits petits ponts. J’arrive à Trans en Provence après avoir suivit une route fréquentée, parallèle à une voie ferrée, et traversé une zone commerciale. Là je cherche le départ de la nationale 47 pour me rendre à la motte à 6 km, le trafic est dense et mes talons me font mal, il est 19h30 je ne m’y arrête que pour prendre de l’eau, je poursuis jusqu’a un terrain inculte près d’une vigne où j’installe mon campement. Je profite des derniers instants de jour pour expérimenter un repas entomophage, grillon grillé au briquet ! Ce n’est pas l’idéal comme cuisson, mais cela suffit à se faire une opinion. Le grillon se comporte comme les crustacés, il rougit à la chaleur, et sa saveur est plutôt agréable. 

13 juillet 2004

6ème lettre 10/05 11/05 12/05

Lundi 10 mai,

La nuit s’est bien passée. Un animal furetant à proximité de ma tente, peut-être un renard, m’a tiré du sommeil en pleine nuit mais je n’en ai pas fais cas et j’ai continué ma nuit. Au réveil je met ma tente à sécher et profite de ce moment pour poursuivre ma seconde lettre. Je me remets en route descendant, à travers les broussailles et les arbres déracinés, le reste du versant de la montagne. J’arrive dans le lit asséché d’un petit cours d’eau, que je traverse pour gagner la route que j’entendais hier soir.

Je la suis jusqu'à Lourmarin, village agréable que de nombreux touristes viennent visiter. J’emprunte les rues piétonnes en contournant le château, visible depuis la route, et arrive sur une place faisant office de parking. J’entre dans un snack où je commande un sandwich, j’y rencontre Marie, une fille d’une trentaine d’années, très bavarde et ouverte, avec qui je discute un moment, je l’accompagne dans une boutique du village puis reprend ma marche vers l’est. J’essaie de couper à travers champs pour éviter la route mais je reviens inexorablement sur le bitume. J’utilise alors les routes secondaires, traversant une longue zone cultivée avant d’arriver à Ansouis. Comme Lourmarin Ansouis est un très beau village mais un peu moins fréquenté par les touristes, peu être que le voile nuageux qui s’installe les a fait fuir, je fais un rapide tour du bourg passant par une promenade botanique et me réapprovisionne en eau à une fontaine.

C’est en franchissant un canal que je quitte Ansouis, prenant une piste aménagée pour la randonnée. Je monte un moment et, constatant qu’il se fait tard je décide de camper sur un terrain déboisé, un peu chaotique, où sont  empilés un peu partout des morceaux de bois de pin. J’entends encore roder un animal à proximité, probablement assez haut sur pattes pour pouvoir franchir l’amoncellement de branches derrière lequel je me suis abrité.

Mardi 11 Mai

Ce matin le ciel est toujours voilé, je plie mon campement et continue de gravir la colline jusqu'à son sommet, je redescends sur l’autre versant. Puis mon chemin de terre se change en route et je la longe jusqu'à la ville de perthuis que je distingue au loin. J’entre en ville. L’endroit n’a rien d’exceptionnel, je franchis une rivière, et déambule un moment dans les rues à la recherche d’un bureau de poste pour y déposer ma seconde lettre. Le regard des gens est méfiant, rares sont les personnes qui répondent à mon salut, comme s’ils craignaient de me voir les agresser, les villes sont décidément bien trop régies par les apparences et j’ai hâte de regagner la campagne. J’entre dans une superette pour acheter un casse croûte, mais tout ce monde de partout, toute cette circulation me donnent le tournis, et j’emploie toute mon énergie pour m’éloigner au plus vite de cette effervescence.

J’avance dans le dédale de rue du coté de l’est en me fiant à ma boussole, m’éloignant peu à peu du centre je traverse une zone résidentielle et remarque une cabine téléphonique près d’une école, je tente un appel vers mes grands parents mais l’installation n’est pas en état et décide de le reporter à plus tard ; Je poursuis mon chemin dans le quartier des hauts de perthuis, les résidences s’espacent, j’arrive à la sortie de la ville. Je longe une petite route parallèle à la départementale qui mène à la Bastidone. Le moral n’est pas au top, mes talons me font souffrir, la météo changeante m’oblige à changer souvent de tenue, et la traversée de Perthuis ne m’a pas enchanté. La cabine que je trouve à Bastidone fonctionne, je passe mon coup de fil et m’accorde une heure de pause pour soulager mes pieds. J’espérai me ravitailler en bouffe mais le seul commerce du coin n’ouvre qu’à seize heures.

Je me remet en route en suivant les indications de quelques personnes que j’ai croisées, j’arpente une petite route vers l’est espérant rejoindre le pont de Mirabeau, mais elle se termine dans une cour de ferme d’où partent plusieurs chemins. Je prend celui que m’indique ma boussole, la montée est abrupte et plutôt longue je parviens à la crête, la longe, puis m’aperçois que le sentier choisi repart vers l’ouest, je décide donc de me frayer un passage à travers les arbres abattus, vers ce que je crois être la bonne direction.  Après une descente franche, j’arrive sur un chemin un peu défoncé qui vire et revire sur quelques centaines de mètres puis rejoint une départementale. Il commence à se faire tard et je recherche un endroit pour passer ma nuit. Les abords de la départementale sont bordés de vignes desservies par un petit chemin de terre, je l’emprunte, et trouve une petite vigne abandonnée non taillée et envahie par les herbes hautes, je vais dormir ici !

Mercredi 12 Mai

Le soleil brille ce matin, je m’équipe et reprends ma route vers 10 heures, longeant un alignement de ruches je regagne la départementale, après 3 ou 4 kilomètres de bitume j’arrive à Mirabeau ; Un bourg sans prétentions, plutôt agréable, je m’arrête à l’épicerie, j’achète une tomme, une saucisse sèche, et une boite d’anchois préparés à la mode régionale, le tout pour 5 €. Je m’achemine ensuite vers le GR sensé rejoindre le pont Mirabeau, le seul point des environs où je pourrais franchir la Durance. Je croise à la sortie du village une sympathique dame, nous discutons un moment, elle m’offre un verre de cidre me ravitaille en eau puis elle me donne ensuite une carte de Frances sur laquelle nous étudions les différents itinéraires pour l’Italie. Je repars en suivant ses indications, mais le fléchage est assez imprécis et je parcours plusieurs voies qui finissent en cul de sac.

Je m’arrête un moment pour casser la croûte, je surprends un trio de coq de bruyères qui s’envole aussitôt. Le ciel se couvre et je m’équipe pour la pluie avant qu’elle ne tombe. Après un retour sur mes pas, presque jusqu’au village, je recherche et trouve la voie qui semble être la bonne. Il tombe quelques gouttes, rien de sérieux ! Le chemin arrive sur une nationale que je longe sur 300 mètres pour arriver au pont, un édifice moderne banal bâti à cote d’anciennes pile qui devaient supporter une passerelle étroite et suspendue dont plus rien ne subsiste. Je traverse la Durance et arrive à un carrefour giratoire au centre duquel un monument indique par des statues les directions des quatre départements qui se rejoignent en ce point, je passe un second pont qui franchit l’autoroute, puis cherche l’entrée du GR 9 qui, selon la dame de Mirabeau, devrait des trouver quelque part sur la gauche, ma recherche est vaine, et après une longue marche le long de la nationale, et avoir dépassé l’imposante installation électrique de Jouque, je remarque un portail sur ma gauche, je le franchi et m’engage sur des pistes qui s’enfoncent dans les petites montagnes boisées. Très vite les pistes disparaissent, je progresse à la boussole, traversant talus et broussailles, recherchant le passage le plus aisé.

Un orage éclate, bref mais intense, suffisant pour détremper les arbustes environnant qui finissent par mouiller mon Jean au fur et à mesure de mon avancée. Des épaves de voitures ainsi que des troncs calcinés témoignent d’un incendie qui a du ravager le secteur dans le passé, j’arrive sur une piste de terre jaune reliant les pylônes électrique des environs, j’y croise un monsieur qui promène avec ses trois chiens, nous discutons un instant puis je continue ma marche, gagnant une route qui m’amène à Bède, un hameau rattaché à la commune de Jouque, j’y rencontre Isabelle, une jeune femme qui m’offre aimablement des gâteaux fais maison et de l’eau fraîche, puis m’offre l’hospitalité pour la nuit, m’assurant que la petite maison qu’elle occupe avec son copain est largement assez spacieuse pour héberger une troisième personne, désireux de ne pas succomber au confort douillet d’un lit, et bien que très sensible à son offre, je décline aimablement son invitation. Je poursuis mon chemin, et dresse le camp au bord d’une petite route, dans un large sous-bois, non loin d’une épave de voiture datant de l’après guerre.

Jeudi 13 Mai

La nuit est tranquille, je me réveille bien avant le soleil que j’attends pendant plus d’une heure pour pouvoir rédiger la suite de ma troisième lettre. Je me rhabille avec mes affaires encore humides de la veille, je laisse toutefois sécher ma tente avant de plier le camp. Je reprends ma route toujours dans la même direction, la voie goudronnée se termine en une fourche de chemins campagnards, je prends vers l’est me rapprochant peu à peu d’une petite montagne allongée dominée par une tour de gué allouée probablement à la surveillance des incendies de forêts. Le chemin devient sentier, puis, petit à petit, se perd dans les broussailles, je continue néanmoins d’avancer en forçant le passage dans la végétation, jusqu'à ce que je retrouve un chemin similaire au premier. Le sol porte des traces de passage de chevaux dans un seul sens, signe logique que la voie doit conduire quelque part. Le soleil devient chaud et ma réserve d’eau s’amenuise, mon chemin se change encore en sentier, mais celui-ci a été fraîchement débroussaillé et débouche sur un réseau de pistes "par feu" utilisé par les pompiers.

J’évolue à travers les différentes parcelles de forêt, chacune étant numéroté et accessible par l’une des multiples ramifications du chemin. Je marche principalement à la boussole, et arrive dans un vaste champ de vignes que je traverse en direction d’une propriété que je distingue à travers les arbres. Je parviens dans un riche domaine viticole où quelques employés hispanophones m’indiquent l’endroit où trouver de l’eau, je remercie la jeune personne qui rempli ma reserve, puis je continue par une petite route encore bordée de vignes, je rencontre un groupe de randonneurs belges, nous discutons un peu de botanique et ils me fournissent quelques précisions sur ma position géographique. Je poursuis ma progression passant par deux fois sur le canal de Provence et j’arrive à Rians. Le ciel se charge de gros nuages menaçants. Je téléphone à ma famille d’une cabine située au bord de la nationale, puis me rends à la gendarmerie pour faire le plein d’eau. Je pénètre au centre du village pour me renseigner auprès de l’office du tourisme sur les circuits de randonnée, mais les documents qu’ils possèdent n’apportent rien d’intéressant. Je fais l’emplette d’un pain aux 4 céréales et d’une fougasse au roquefort, la pluie commence à tomber, je vais m’abriter sous le parvis de la cathédrale, et tandis que je mange ma fougasse, un homme, que je pense être le prêtre, vient discuter avec moi, mon voyage semble l’intéresser et il me remet une médaille accompagnée d’un dépliant explicatif sur notre dame du rosaire ainsi qu’un billet de 10 € en guise d’encouragement. Un groupe de randonneurs vient s’abriter a son tour à coté de moi, tandis que l’orage arrose copieusement les environs nous discutons, et le récit de mon voyage retient l’attention de mon auditoire qui, après un bon moment repart, chacun m’offrant environ 5€ que j’ accepte, un peu gêné, en les remerciant.

La pluie semble vouloir durer, je décide néanmoins de repartir après m’être équipé, je sors du village et prends la direction de Ginasservis, je m’arrête à la déchetterie pour m’enquérir d’un itinéraire pédestre, nous discutons un moment avec les employés et je leur donne l’adresse du Blog avant de repartir. Je marche 2 ou 3 km sur la nationale subissant le passage brumisateur des véhicules, puis je repère une petite route à ma droite signalant un sentier pédestre récemment fléché. L’eau ruisselle abondamment sur le sentier et la route abrupte, je parcours la crête jusqu’à la redescente, quelques panneaux indiquent les directions des localités proches, je me fie à ma boussole pour faire mon choix. J’arrive enfin sur une route en bon état, il est plus de 19h, je décide de m’installer pour la nuit dans un petit bois de pin près de la route, tout est trempé mais le sol est suffisamment drainant pour m’éviter de me retrouver dans une mare d’eau demain matin.

29 juin 2004

5eme lettre 7/05/2004

Vendredi 7 mai 

La nuit a été fraîche et c'est le ronflement du moteur d'un tracteur labourant entre les cerisiers du champ voisin qui me réveille. Lorsque j'ai plié bagages et que je traverse sa propriété, le paysan m'indique un sentier conduisant à Venasque. A peine engagé dans le petit sous bois, je rencontre un couple de belges un peu égarés et craignant de se trouver sur une propriété privée. Je les rassure en leur répétant les indications du paysan et nous amorçons la monté en entretenant la discussion.

Nous découvrons encore plusieurs de ces édifices en pierre sèche que j'ai vu hier. Ceux-ci sont mieux conservés et mes compagnons d'un temps me disent qu'il s'agit d'abris de berger, ce qui est fort possible bien que les pâturages ne soient pas nombreux dans les environs. Nous poursuivons notre ascension pendant quelques minutes, mais mon rythme de marche étant plus rapide, je fini par les distancer et continuer seul mon chemin.

Le balisage des sentiers laisse de nouveau à désirer. Parvenu devant une triple division du passage principal, je prend le sentier qui semble le plus adéquat et dois effectuer une bonne centaine de mètres avant de me rendre compte qu'il conduit finalement dans une mauvaise direction. Je reviens sur mes pas pour prendre le second chemin qui, bien qu'abrupt, semble être le bon. Je descends un moment dans un sous bois humide bordé de champs en jachère et arrive dans la cour d'un bâtiment qui semble être une maison d'hôte. Je contourne la propriété et tombe sur une fontaine d'eau potable au dessus de laquelle est fixée une statuette de la vierge et une tablette gravée d'un message pieux invitant le voyageur à se désaltérer, ce que je fais après avoir rempli ma gourde.

J'étudie brièvement les environs. Le bâtiment est au bord d'une route rectiligne. En face, légèrement décalé sur la gauche, il y a une aire de stationnement pour les bus et une autre petite route, perpendiculaire à la première, qui s'enfonce dans les montagnes. Au dessus de moi je distingue sans mal les murs de Venasque. Des ouvriers qui travaillent sur le toit de la maison d'hôte m'indiquent que par un sentier serpentant sous la falaise on peut atteindre le village perché.

Je suis donc leurs indications, passe l'aire de stationnement et longe la petite route sur trois-cent mètres avant de trouver le sentier étroit et pentu qui monte à Venasque. Je franchis un mur écroulé et arrive enfin dans l'enceinte du village, non loin de l'église. Je le traverse en visiteur, repérant au passage une cabine téléphonique, une fontaine, et l'office du tourisme. Le temps se gâte et en quelques instants une petite averse éclate. Je m'abrite dans un petit restaurant snack qui propose, entre autre, une connection internet ce qui m'étonne un peu vu la faible accessibilité de l'endroit. Je commande un jambon beurre fromage ainsi qu'une bière pour 5 euros, et profite de ce caprice météo pour faire ripaille.

Ce faisant, je discute un peu avec des touristes anglais puis avec les tenancières de l'établissement. Mon voyage semble les intéresser et je leur laisse l'adresse du blog qu'elles pourront consulter de temps en temps pour suivre mon périple. Elles m'offrent une pomme que je conserve précieusement pour plus tard. La pluie cesse et je retourne à la cabine pour passer mon habituel coup de fil. J'apprends que ma sœur s'est réveillée toute enflée et, étant enceinte, la famille a eu un moment de panique. Fort heureusement il ne s'agissait que d'une intoxication alimentaire sans gravité. Une fois les nouvelles échangées, je passe à l'office du tourisme où un monsieur m'informe que les circuits pédestres municipaux sont balisés des mêmes symboles que ceux repérés par les services départementaux, ce qui explique en partie le manque de clarté des directions à prendre lorsque on les utilise.

Je pars ensuite en quête du lavoir que mentionnent quelques panneaux, mais, après un moment de recherche dans les ruelles, je me rend compte que l'arrivée d'eau a été coupée, rendant l'installation hors d'usage. Je me résigne donc à poursuivre ma route après un réapprovisionnement en eau dans des toilettes publiques.

Je me dirige vers Murs, suivant pendant un moment un fléchage fort précis. Un gros chien noir m'accompagne un bout de chemin, curieux de me voir manger ça et là divers végétaux. Ne souhaitant pas trop l'éloigner du village de Venasque, je demande l'aide d'un résident allemand qui, d'un simple ordre, parvient à se faire obéir de l'animal qui s'en retourne chez lui.

Je continue à suivre le fléchage qui, petit à petit, revient au marquage classique rouge et blanc, je m'enfonce dans un canyon où gisent, un peu partout, des détritus et encombrants divers, deux épaves de voitures démantelées, tronçonnées et éparpillées sur une centaine de mètres. Peu à peu la végétation a reprit ses droit rendant le passagepeu praticable et, cerise sur le gâteau, le sentier se termine par un ébouli de graviers abrupt et haut d'une trentaine de mètres. Je décide de le gravir plutot que de rebrousser chemin, grimpant prudemment, assurant chacun de mes pas et me penchant en avant pour ne pas être déséquilibré par mon sac. Je gagne finalement une route à la circulation plutôt rapide qui domine la gorge. Je conçois qu'une erreur ou un malentendu administratif soit à l'origine d'une mauvaise lisibilité des traces, mais inciter les randonneurs à emprunter un sentier aussi mauvais frise, à mon avis, l'incompétence.

Je continue sur cette route montant en zigzags entre d'imposantes falaises desquelles suintent, par endroit, quelques sources. Ne disposant d'aucune autre alternative, je suis cette voie jusqu'à son sommet et même au-delà, jusqu'à une intersection. Plusieurs pancartes annoncent que je me trouve au col de Murs et que je suis sur le point d'entrer dans le parc naturel du Lubéron.

Une nouvelle averse éclate et la température chute nettement. J'emprunte la route de gauche, vers l'est, conduisant au village de Murs. J'essaie d'arpenter les pistes bordant la route mais elles se perdent systématiquement dans les champs, les bois ou reviennent sur la route.

J'arrive finalement en vue du village. L'heure avancée et la fatigue me font m'arrêter sur un petit terrain plat, légèrement en retrait et au-dessus de la route. J'y monte ma tente et y passe la nuit.

Samedi 8 Mai

Bien qu'il n'ait pas plu, le froid a été intense, même couvert d'un tee-shirt et d'un polo, en plus du duvet, je sentais encore le froid sur ma peau.

Au matin, la fraîcheur est encore bien présente et je préfère encore attendre tranquillement enroulé dans ma chaleur que le soleil élève la température. J'en profite pour rédiger le début de ma seconde lettre puis je plie mes affaires, levant le camp vers 10h30. Le ciel est clairsemé de nuages poussés par de fortes rafales venant du nord. J'arrive juste en face du lavoir fraîchement rénové et parfaitement fonctionnel de Murs. J'en profite donc pour faire ma lessive, nettoyant tout mon linge sale au savon de Marseille et à l'huile de coude. Je dois parfois insister pour chasser l'odeur de moisi qui s'est installée sur certaines affaires traînant dans mon sac depuis plusieurs jours. Je termine vers midi et vais étendre mes vêtements dans le champ en friche voisin. Je profite de cet arrêt prolongé pour étudier les plantes passant à ma portée, les comparant avec les spécimens décrits dans mon livre. J'apprend ainsi à reconnaître la mauve, c'est une plante sans réelle saveur mais riche en protéines ; la scorsonère, plante ressemblant au pissenlit mais dont la saveur est légèrement sucrée ou quelques autres espèces que je goûte les unes après les autres.

Bien que le soleil soit assez chaud, il est fréquemment caché par de petits paquets de nuages qui défilent à grande vitesse. Je tue le temps en discutant un instant avec un ancien du coin avec qui je parle essentiellement de la météo et d'un imprudent brûlant ses broussailles malgré le vent. J'attends ainsi jusqu'à 17 h, puis je décide de repartir, rangeant mes affaires presque sèches dans mon sac. Je traverse le village et croise un jeune garçon à vélo avec qui je discute tout en marchant, je lui parle de mon voyage et ce qui l'intrigue le plus ce sont les plantes avec lesquelles je m'alimente. Je lui donne un petit cours de botanique sauvage comestible et je le laisse un peu plus loin, ravi d'avoir pu goûté quelques bourgeons de coquelicot. J'entame alors une longue descente sur une petite route devenant chemin, puis piste mal délimitée, évoluant parmi les buissons et les arbustes dispersés sur le sol rocailleux. J'arrive au bas de la cote et continue d'avancer sur de petites routes.

J'aperçois au loin d'intrigantes falaises rouges, vers l'est. Je tente de me rapprocher d'elles, rejoignant une route départementale que je suis un bon moment. Voilà maintenant plus de 2 heures que j'ai quitté Murs et il est temps de trouver un endroit pour passer la nuit. Je m'engouffre dans une chênaie non loin de la route et je plante ma tente sur la terre blanche et sablonneuse. La nuit se passe plutôt bien. La température a été encore assez fraîche mais ayant gagné une altitude moins importante que la veille, mes protections contre le froid se sont avérées suffisantes. Au réveil, la météo s'annonce clémente. Je lève le camp et me dirige vers l'autre bout de la plantation de chênes en espérant y trouver un chemin quelconque. Je surprends un lièvre qui détale aussitôt et continue ma progression en contournant quelques parcelles labourées et un champ de vigne pour finalement revenir sur la même route départementale.

La circulation est plus dense qu'hier soir et je saisis la première opportunité qui se présente pour bifurquer sur une route secondaire. Je m'engage ainsi sur une petite voie sur la droite. Je me trouve plus très loin à présent de ces fameuses falaises rouges. La route monte franchement pendant un moment, passant près de quelques propriétés et traversant un petit bois dont les arbres enfoncent déjà leurs racines dans un sol écarlate. J'atteins le sommet de la montée et arrive en vue du village de Roussillon. L'endroit est étonnant : toutes les bâtisses sont de la couleur du sol sur lequel elles ont été érigées, créant l'illusion que le village est taillé dans la montagne. Je parcours les ruelles avec intérêt, découvrant nombre de petits commerces et artisans. J'arrive alors sur la place du village où règne une cohue inattendue. Des véhicules par dizaine se suivent au pas pour tenter de trouver une place pour stationner dans le petit parking aménagé un peu plus haut. Je repère un panneau fléchant le sentier des ocres et je me dirige vers l'endroit indiqué avant de rebrousser chemin en constatant que l'accès à ce circuit est contrôlé et certainement payant. Je quitte alors Roussillon en suivant une petite route vers le sud.

Là encore je croise des gens qui se dirigent vers le centre du village et qui m'apprennent qu'un spectacle de rue va y avoir lieu. Je poursuis néanmoins ma route et repère le balisage de sentiers que je me mets à suivre. J'arrive dans une forêt de pins où je progresse dans le calme, m'attardant sur des formations rocheuses marbrées de rouge sombre et de jaune. Je sors ensuite du bois pour traverser quelques champs et arriver sur une petite route débouchant sur un axe à grande circulation. Je suis cette nationale sur quelques kilomètres avant de pouvoir enfin emprunter une petite route secondaire. Je croise un cavalier à qui je demande où se trouve la cabine téléphonique la plus proche. Je suis ses indications vers le village de Bonnieux. Je suis une large piste sableuse et passe un pont à l'architecture atypique connu sous le nom de « Pont Julien ». A nouveau le marquage du chemin laisse à désirer et, après avoir suivi un sentier de terre, je tombe sur une route qui en rejoint une seconde que je suis contraint de suivre sur 2 kilomètres avant d'atteindre Bonnieux. Je passe mon coup de téléphone habituel puis pars me ravitailler en eau dans une fontaine au centre du village.

C'est un bourg agréable mais les constructions modernes ont, je trouve, atténué son côté pittoresque. Je poursuis ma route et m'engage sur un sentier montant longuement vers les montagnes, se changeant tour à tour en route goudronnée puis en chemin. Je dépasse quelques villas et atteins après plus d'une heure de grimpette, une citerne de récupération des eaux pluviales. D'ici la vue est imprenable. Vers le sud, quelques montagnes s'éloignent en diminuant de hauteur jusqu'à m'offrir un horizon rectiligne ; vers le nord, le Ventoux et d'autres chaînes montagneuses sont recouvertes de neige. Il règne également ici un vent à décorner les bœufs et je poursuis mon chemin en zizgaguant le long des montagnes alentours. Je dépasse un camion militaire garé dans un fossé, il semble en bon état malgré la capote de la cabine déchirée et les quelques impacts sur le pare-brise.

                Je parviens ensuite à une intersection où sont fléchées les directions des villages les plus proches. Je décide de me rendre à Lourmarin mais après un moment de marche sur un chemin praticable, je dois emprunter un petit sentier. Je le suis un long moment en me faufilant entre les buissons et le temps passe. Il est plus de 19 heures, la température commence à baisser et le vent toujours présent n'arrange pas les choses. De plus, aucun endroit en vue ne peut me permettre de planter ma tente. J'essaie de presser le pas tout en commençant à envisager de passer la nuit à la belle étoile. Bien que cette éventualité ne m'enthousiasme pas vraiment, je commence dès lors à descendre le plus bas possible avant la nuit, coupant droit dans la pente. Les bruits d'une route me parviennent d'en bas et c'est vers eux que je me dirige. Je repère finalement une petite aire plane de terre noire comme du terreau. L'opportunité est à saisir et j'y plante ma tente vers 20 heures.

      

   

19 juin 2004

4em lettre 04/05, 05/05, 06/05/2008

Mardi 4 mai 2004

Il n'a pratiquement pas plut cette nuit mais le peu d'eau qui est tombé était chargée de terre noire et la toile extérieure de ma tente est à présent toute sale. Le ciel est couvert ce matin, je prends encore quelques instants pour tenter d'identifier les villages que j'aperçois dans la vallée mais mes efforts sont vains. Je range mes affaires et descends alors vers le plus proche, j'y suis au bout d'une demie heure et j'apprends qu'il s'agit du village de Roaix.

J'envisageais de passer par Vaison la Romaine mais il me faudrait faire un détour par les routes, et la météo maussade ne m'y encourage pas. Je renonce donc à passer par la célèbre bourgade et poursuit mon chemin en franchissant l'ouvèze et suivant sans entrain la route où défilent dans les deux sens un flot de voitures et camions.

Au premier carrefour giratoire je prends la bretelle qui semble la moins fréquentée, elle conduit à Séguret mais, bien que le trafic y soit moins dense que précédemment, la voie est étroite et dépourvu d'accotements ce qui contraint les véhicules à me frôler au passage. Un monsieur s'arrête et me propose de m'emmener en voiture jusqu'au prochain village, nous sympathisons durant le court trajet, il m'indique ensuite la direction du village ancien que je vais visiter après l'avoir remercié.

Je passe une aire de stationnement puis commence à monter une petite route dont l'accès aux véhicules est limité aux livraisons et aux tenanciers des quelques rares commerces présents à Séguret. J'arrive devant la porte du village, un grand mur où est fixée une pancarte explicative, une petite rue pavée commence sous la voûte d'entrée et monte entre les  vieilles maisons restaurées ; l'endroit s'est tourné vers le tourisme et les commerces qui s'y trouvent vendent des santons ou souvenirs en tout genre, aucun commerce d'alimentation à part les restaurants.

Je rencontre monsieur Soubeyras, artiste régional qui expose ses toiles dans une ancienne chapelle reconvertie en salle d'exposition, nous discutons un moment, il me parle de la région  de Séguret et de la présence d'un château en ruine surplombant le village accessible par un sentier discret proche de l'entrée de Séguret. Je décide l'escalade et découvre, un peu déçu, quelques pans de murs noyés dans les chênes verts et les buis, il est probable que les pierres du château on servit à construire le village qui est en dessous ! Un panneau explique qu'un gouverneur était en fonction en ces lieux jusqu'à la révolution de 1789.

Je poursuis ma route sans revenir sur mes pas, j'entreprends de redescendre par un versant non aménagé de la montagne en longeant les vestiges des remparts me frayant un passage à travers la verdure sans trop de difficultés  j'arrive au pied de la montagne sur une petite route qui serpente et qui m'amène jusqu'à Sablet. Je croque en chemin quelques poireaux sauvages pour calmer mon estomac qui commence à réclamer, mais c'est insuffisant et je décide d'acheter une fougasse et une pizza à la boulangerie du village, puis j'échange  ma monnaie restante à l'épicerie voisine contre une endive quelques champignons de paris et un morceau de tomme de Savoie. Je m'assieds sur la place du village et prends tranquillement mon repas.

Je conserve toutefois la moitié de la fougasse la tomme et les légumes pour plus tard, je repars sur la nationale en direction de Gigondas puis je coupe par un petit chemin qui m'y fait arriver juste à l'heure de la sortie des écoles ; Je visite le vieux village, l'endroit est assez joli, les ruelles piétonnes montent assez franchement, des marches larges ont été aménagées sur le sol pavé et plusieurs fontaines sont disposées le long des côtes. Un monsieur m'indique que l'office du tourisme se trouve en bas… l'employée m'indique l'endroit où débute un sentier pédestre qui traverse les dentelles de Montmirail, une série de rochers escarpés dressés sur les collines, je commence la montée sur une large piste en grignotant en chemin les champignons et l'endive qui me restent. La voie se divise mais je poursuis en me conformant aux indications d'un marathonien que j'ai croisé un peu plus tôt.

Je laisse sur ma gauche la ruine d'une tour carré, avant de déboucher dans un champ de vigne que je descend jusqu'au crépuscule, là je plante ma tente entre deux rangées de ceps où le sol est un peu moins caillouteux qu'ailleurs. La nuit se passe bien jusqu'à ce que je sois réveillé par des piétinements dans les graviers ! Je m'assied et tends l'oreille, la nuit est bien avancée et il me faut un moment pour arriver à distinguer les coutures de ma tente, pendant ce temps j'écoute, les pas sont rapide, trop pour être des pas humains ! De plus il semble y avoir plusieurs individus autour de moi dont l'un très proche sûrement derrière la rangée de cep, soudain j'entend un râlement accompagné d'un bruit de cailloux projetés puis un grognement comparable à celui d'un cochon ! je suis à l'évidence encerclé par une harde de sangliers, j'hésite sur l'attitude à adopter sachant qu'une charge de sanglier peu être redoutable.

Je décide de jeter un œil à l'extérieur et actionne prestement la fermeture éclair de ma tente intérieure, le zip sonore surprend le groupe qui cesse de «  foumouger » la terre et reste aux aguets pour déterminer l'origine de ce bruit inhabituel, je me faufile dans le auvent pour faire glisser la fermeture de la toile extérieure, à peine ai-je entamé le geste que j'entends détaller la troupe en dérapant dans les cailloux. Le temps que je passe la tête dehors le groupe a disparu ne me laissant entrevoir qu'une silhouette noire traversant le champ de vigne en travers, comme s'il n'y avait ni cep ni fil de fer, et qui se perd dans le bosquet. Je fais un rapide examen de la situation et me recouche pour terminer ma nuit tranquillement.

Mercredi 5 Mai 2004

Au matin je constate qu'il a plu un peu pendant la nuit et que l'emplacement terreux où je me suis installé est devenu boueux et collant, heureusement il ne pleut plus et, bien que le ciel soit couvert, je devine que la couche nuageuse n'est pas très épaisse et que, peu être le soleil percera. Je range mes affaires et me remet en marche vers 10 heure descendant prudemment un petit sentier de terre débouchant sur des circuits balisés, je passe près de Vacqueras et bifurque à gauche sur une petite route qui mène à Beaume de Venise. Je grignote en chemin quelques poireaux sauvages puis, une fois dans le village, je passe un coup de fil à ma grand-mère et je refais le plein d'eau. Je croise à la sortie du village deux dames avec qui je discute un peu tentant d'obtenir des informations sur d'éventuels sentiers menant à Caromb en évitant les routes, mais leur connaissances sont limitées et je m'engage sur le premier chemin à droite après les avoir remerciées.

Très vite j'arrive dans les champs de vignes où travaillent quelques paysans je contourne les plantations et arrive sur une petite route, j'y rencontre un monsieur se promenant avec sa chienne, Julie, qui a la fâcheuse manie de se rouler dans les excréments. Nous parlons un moment de divers sujets comme les travaux du moment a faire dans les vignes, les crues des cours d'eau des environs, ou des superbes oliviers plusieurs fois centenaires qui trônent encore au bord de la route, il me renseigne aussi sur la direction à suivre. Je lui dis au revoir et repars, après une petite heure de marche j'arrive à Caromb, où je m'abrite, le temps d'une averse, sous une voûte couvrant un passage étroit. Je continu en direction de st Pierre de Vassols via le village de Modène.

Le cheminement sur le bitume endoloris mes genoux et les courbatures au niveau des pieds et des chevilles vont en augmentant, en somme je commence à fatiguer, je cherche un endroit pour me reposer et dormir, je sors du village, franchis une grande départementale et m'enfonce dans les champs de vignes et cerisiers. Je m'installe à l'angle d'une vigne, face à l'est la cime enneigée du ventoux sur ma gauche.

Jeudi 06 Mai 2008

J'ai passé une bonne nuit, c'est le soleil levant éclairant ma tente qui me réveille, je profite de ce matin radieux pour faire sécher les vêtements humides que je transporte, mais la rosée et les bourrasques qui se lèvent me rendent la tache plus difficile que je le croyais. Le ciel se charge peu à peu de petits paquets de nuages qui cachent le soleil par intermittence. Je refais mon sac et traverse quelques champs pour atteindre une petite route, je la suis pour aller vers les montagnes les plus proches, je cueille en chemin une poigné de poireaux sauvages que je trie un peu plus loin sur un sentier traversant une première colline, je contourne quelques champs puis traverse la route très fréquentée reliant Mormoiron et Mazan.

Je trouve une piste aménagée pour les promenades à cheval, passe devant un enclos où paissent quelques ânes, et découvre sur la gauche du chemin des panneaux indiquant la présence d'une ancienne carrière de pierres exploitée entre le 5em siècle et le moyen age qui aurait, entre autre, fourni 66 sarcophages encore visibles au alentour du cimetière de Mazan. Je poursuis ma route mais le chemin se divise et fini par disparaître dans un champ de cerisiers ; Je traverse les arbres, des broussailles épineuses, puis retrouve enfin une route. Je me dirige vers le village que j'aperçois à quelques kilomètres, et remarque sur ma droite une énorme carrière d'où sorte de pleins convois de camions. Une escadrille de 7 avions de chasse traverse le ciel, je suppose qu'il s'agit de la patrouille de France.

J'arrive finalement au village de Malemort où je discute un moment avec un retraité puis je me rends au centre du bourg pour me ravitailler en eau, acheter un pain complet, une part de pizza et quelques bonbons. Je m'assois à cote de la fontaine pour manger la pizza et les sucreries, puis je reprends ma marche par un sentier qui monte longuement jusqu'à atteindre une croix commémorant une bataille qui se serait déroulée ici sous la révolution française. Je croise un monsieur qui se promène avec son chien, il m'indique la direction des villages les plus proches, je décide d'aller vers Venasque. Je remarque de nombreux murs en pierres sèches qui devaient servir de délimitation aux parcelles de terrain aujourd'hui à l'abandon, et totalement envahies par la végétation sauvage, trois grandes citerne de pierres bien conservées probablement très anciennes, ainsi que de nombreux petits abris circulaire souvent écroulés qui pouvaient servir aux chasseurs à l'affût. Le sentier redescend, il est bientôt l'heure de trouver un endroit pour passer la nuit, j'arrive sur un large chemin sableux contournant une propriété ceinte d'un de ces murs de pierres et longeant une plantation de cerisiers. Un petit espace abrité du vent, légèrement surélevé, recouvert de mousse végétale m'interpelle ! je cède à la tentation et dresse le camp.

                           

2 juin 2004

3ème lettre 01/05 02/05 03/05/2008

Lettre n° 3

Samedi 1er mai

La nuit s'est plutôt bien passée, sans pluiecartes_0105_edite et à l'abri du vent. Le ciel est nuageux à mon réveil, mais le soleil parvient à passer de temps à autre et illumine ma tente à travers la toile. J'étends un moment ma tente pour faire sécher la rosée qui la recouvre, sans toutefois trop m'attarder car le temps menace.

Je plie bagage et continue la descente à travers la forêt jusqu'à ce que j'arrive sur une route où je croise un petit groupe de cyclistes féminin quadragénaire qui me donne quelques indications sur ma position et sur les différents sentiers environnants. Nous nous séparons et comme toujours j'emprunte le chemin qui me semble le plus dépourvu de goudron.

Je marche un long moment vers les champs et les fermes rustiques puis j'arrive au bord d'un ruisseau où je m'accorde un moment de répit.

Les courbatures endolorissent un peu mes chevilles et cette halte est la bienvenue. Le temps s'est dégagé et bien que le sol soit humide, le soleil réchauffe agréablement l'atmosphère.

Je repars après une longue pause et arrive, après une bonne heure de marche sur de petites routes désertes, sur un petit sentier qui se perd entre les buissons de genévriers et de chênes verts. J'aboutis sur ce qui doit être une départementale, aucune signalisation en vue, uniquement des champs de lavandes et des vignes en face de moi qui me séparent d'une colline boisée. Je traverse les cultures, marchant dans les hautes herbes, puis je m'arrête au pied des arbres profitant du soleil pour mettre mes vêtements à sécher sur les touffes de lavande. Je reste là une bonne heure jusqu'à ce que le ciel se recouvre à nouveau. Je range mon barda bien que tout ne soit pas bien sec, le chemin m'amène au hameau, sans intérêt, de Tuiliere que je traverse sans m'attarder pour arriver dans des plantations de chênes et d'oliviers. Je contourne autant que possible ces champs, mais je me trouve bloqué sur la rive d'un cours d'eau, le Lez, que je longe jusqu'à une zone pavillonnaire où une dame me ravitaille en eau fraîche, et m'indique l'emplacement du pont le plus proche pour franchir le Lez.

Après l'avoir remerciée je suis ses indications en les adaptant de façon à ne pas trop marcher sur la route, j'emprunte ainsi un chemin grimpant à l'assaut d'une colline d'où je peux, pendant un moment, contempler le château de Grignan. Je poursuis sur quelques centaines de mètres et débouche sur ce qui doit être une route nationale que je prends pour rejoindre le fameux pont, je laisse sur ma droite une sorte de restaurant proposant, à la vente, des spécialités régionales d'apéritif à la truffe.

Je passe le pont et continue la route sur l'autre rive, je trouve à ma droite une petite route dont le bitume se change en gravier et la voie devient chemin de campagne. Un cavalier arrive et me rejoint, nous discutons le temps d'arriver à une intersection, où, il m'indique la direction du village le plus proche. En suivant ses directives, je rencontre monsieur Offer, adjoint au maire du village de Colonzelle. Il me donne une carte routière du sud-est de la France et m'indique l'emplacement du camping municipal où il m'invite à passer la nuit gratuitement, je le remercie et me dirige vers le village que j'atteins au bout de 3 bons kilomètres, je me rends au camping saluant les gents au passage, et je plante ma tente bien à l'abri du vent.

Dimanche 2 Mai

Les ébats des chiens faisant leur promenade matinale finissent par me réveiller. En passant le nez dehors je vois que le temps est gris et qu'il va certainement pleuvoir, je plie mon barda et quitte le camping en remontant la rue, saluant les quelques personnes qui s'affairent, de bon matin (si l'on peut dire !) dans leur jardin.

Je remarque une cabine téléphonique en haut de la rue, même un peu plus tôt que d'habitude je décide de passer un coup de fil à la maison, selon mon père la météo ne sera pas très clémente les jours prochains, ce genre de considération n'entame pas ma détermination, la communication terminée, J'entame ma journée de marche par une petite route qui sort rapidement du village et qui zigzague entre les champs.

Je pensais avoir pris une route tranquille mais en moins de cinq minutes six véhicules me dépassent, je décide de couper à travers champs en me fiant à ma boussole.

Mes courbatures sont encore là, douloureuses surtout du coté droit, je progresse dans des hautes herbes en essayant de ne pas trop mouiller mes chaussures, l'agencement des champs des talus et des ruisseaux m'obligent à faire des détours ce qui rend mon avancée plutôt lente.

J'arrive en fin de compte au petit village de Grillon, où un monsieur me donne de l'eau et quelques indications sur la topographie des environs, j'apprends de plus que la ferme ou se tourne l'émission de télé se trouve pas très loin, n'étant pas un inconditionnel de télé réalité je n'ai pas la moindre envie de m'y rendre.

Je m'arrête un peu plus loin sur un terrain vague pour manger la moitié du bout de saucisson qui me reste. Je repars en longeant longtemps la route, et finis à nouveau par couper à travers champs mais une pluie fine se met à tomber et rend la terre fraîchement labourée en pâte lourde et collante, je retourne sur la route et m'abrite un instant derrière un transformateur EDF le temps de m'équiper pour la pluie.

Valréas, la pluie gagne en intensité, je décide de fcartes_0205_editeaire une halte sous un préau dans un cimetière à coté d'une caisse en polystyrène sur laquelle est inscrit au marqueur bleu « La maison de pupuce ». Je vois arriver peu après la pupuce en question, il s'agit d'une chatte brune prête à mettre bas et que ma présence, trop près de son gîte, indispose au plus haut point. Ne voulant pas déranger davantage la faune locale je reprends ma route entre les vignes et les lavandes, je commence à rechercher un endroit propice à l'implantation de ma tente et prends pour cela un chemin longeant les coteaux, le terrain est très caillouteux, des ronces et buissons le rendent chaotique et détrempé difficilement praticable, je m'enfonce dans le bois pour dénicher entre les pins un espace satisfaisant, je dresse le camp sous la pluie.

Lundi 3 Mai 2008

Une bonne partie de la nuit le grésillement des gouttes de pluie sur ma tente s'est fait entendre, ponctué jusque très tard de bruissements d'ailes et de piaillements d'oiseaux. A mon réveil il pleut toujours, j'en profite pour rédiger ma première lettre en restant à l'abri jusqu'à midi. Je profite d'un répit de la météo pour plier bagage puis je redescends du coteau pour regagner la route en direction de st Maurice sur Eigue.

Le trajet est agréable, la petite route sinue dans les bois je n'y croise qu'une fourgonnette pressée et un viticulteur trop affairé dans sa vigne pour faire attention à moi. La pluie se remet à tomber une demie heure avant que je n'arrive au village, sur place je poste ma lettre et téléphone à ma famille, pour la rassurer puis je vais m'abriter un bon moment sous un lavoir où je discute avec un vieux du coin.

A la première accalmie je me remets en marche vers le pont le plus proche pour franchir la rivière voisine. Mes courbatures associées au froid et à l'humidité me font assez mal et me contraignent à ralentir mon rythme. J'avance lentement le long de la nationale, essayant dès que possible de passer derrière la rambarde de sécurité, les voitures et camions arrivant en face de moi soulèvent des nuages d'eau pulvérisée que je reçois en plein visage à chaque passage. Cette portion de route rectiligne n'en finit plus, mes pas étant alourdis par la terre mouillée du terre-plein. Ce moment pénible passé j'arrive tout de même sur l'autre rive du cours d'eau. Je monte encore quelques centaines de mètres, et pour échapper à la circulation je prends une petite route à droite contournant le village de Buisson.

Je passe devant une chapelle et quelques maisons et retrouve rapidement les champs et la terre jaune et collante qui s'agglutine en couches épaisse sous mes semelles, ajouté à mes courbatures ma démarche devient carrément gauche, glissant et trébuchant sur ces appuis instables.

Je repère un sentier dans les arbres, sa terre noire semble damée, et je me libère au fur et à mesure de ma progression dans la forêt du fardeau collé à mes chaussures. Le sentier monte longuement parmi quelques arbres tronçonnés et disposés de façon désordonnée de part et d'autre du passage. J'arrive alors sur une large piste rocailleuse, balisée pour les randonnées pédestre ou équestre, je continue de monter sur quelques kilomètres puis arrive à un embranchement où je prends la voie semblant conduire vers le sud. Je commence à chercher un endroit pour la nuit, le coin n'est pas propice et je préfère tenter ma chance plus loin en descendant un petit sentier abrupt qui tombe dans des champs de vigne couverts de gros galets.

Je suis une petite route qui passe sous un versant boisé que je gravis ensuite en me frayant un passage entre les broussailles espérant trouver un coin plat au sommet, mais non ! Des vignes encore des vignes plantées sur une épaisse couche de cailloux. Je longe l'une de ces vignes pensant rejoindre une route tôt ou tard, lorsque j'avise légèrement en contrebas, une aire nivelée au bulldozer, je saute sur l'occasion et dresse le camp sur cet espace de terre damée d'où je peux voir une bonne partie de la vallée.

A très bientôt !!! Et merci pour vos encouragements.

 

20 mai 2004

2ème lettre, 29/04 & 30/04

Jeudi 29 avril.

         

       La nuit s'est bien passée. La rosée matinale a détrempé l'herbe alentour et l'humidité ambiante a gagné l'intérieur de ma tente mais dans une mesure moindre qu'avant-hier. Mon état de santé s'est changé en une sorte d'assèchement  continuel de l'arrière gorge, symptôme du rhume, sans doutes. Je prends un cachet anti-douleur pour ne pas être gêné au cours de ma progression et je plie mon campement.

      

        Il est 9 heure 30 quand je me remet en marche en direction de Saou. Le temps est couvert et je progresse à un rythme correct sur la route montante et sinueuse. Quelques véhicules me croisent ou me dépasse mais la voie reste assez peu fréquentée, et ma marche demeure agréable.

     504 mètres d'altitude ! J'arrive au sommet :  le Pas de L'Auzun. Je poursuis plus allégrement vers Saou, toujours par la route. Une petite pluie fine fait son apparition peu à peu. J'enfile mon k-way et protège mon sac puis contourne une barre rocheuse derrière laquelle je rencontre un homme occupé à charger du bois mort dans le coffre de sa voiture.

        Nous discutons un moment. Il m'apprend qu'il est chasseur et me parle de la prolifération des sangliers, et de quelques autre banalité. Je repars après l'avoir salué et un peu plus loin un véhicule s'arrête à ma hauteur pour me prendre en stop. Je décline poliment l'offre, la route ne présentant ici qu'un risque minime, sauf pour quelque serpent que je remarque écrasés par les voitures.

       Saou ! Le village est désert. Je trouve néanmoins une cabine téléphonique et j'appelle Valence. J'apprends que le facteur n'a toujours pasapporté ma carte bancaire. Je vais m'acheter une baguette de pain à 70 centimes d'euros que je mange à l'abri du minuscule préau qui couvre la porte de la mairie. Sous cette pluie ce village n'a rien d'attrayant, l'architecture y est des plus quelconque, les habitants répondent à peine quand on les salue. De plus, aucune structure, même rudimentaire, n'est mise à la disposition des randonneurs, malgré la forêt de Saou toute proche pourtant très fréquentée par les marcheurs.

      Je repars finalement sur les routes et bifurque rapidement sur des chemins agricoles. La pluie s'intensifie et la terre grasse colle à mes chaussures. Je longe une rivière un long moment et arrive au village de Soyans. Sans m'attarder je continue sur une petite route passant sous les vestiges médiévaux du village. D'en dessous les ruines on l'air assez vastes et pas trop mal conservées.

Je me repose un moment à l'abri d'une cabine téléphonique puis je reprends ma route pour arriver à Pont de Barret. Le village est plaisant à visiter et je demande au passage à une employée de mairie quelle est la meilleure route pour Charols. je suis ses conseils et reprend la marche.

Nouvelle pause sous un pont enjambant le Roubion, mais l'édifice crée de la turbulence et des bourrasques, je n'y reste pas longtemps.

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Me revoilà à Charols. Je vais au café dans lequel s'est achevé mon premier voyage, et là je commande une Bourganelle. Mes vêtements sont mouillés j'ai du mal à me réchauffer. Je commande un chocolat bien chaud et je discute un moment avec la patronne qui vient de rentrer et qui me reconnaît.

Je quitte le café vers 18h15 pour rechercher un endroit où dormir. Je marche le long d'une route sur quelques kilomètres puis en prend une seconde sur la gauche qui arrive devant les batiments de deux entreprises et des quelques habitations des gens qui doivent y travailler. Un jeune me renseigne sur un endroit qui pourrait convenir pour planter ma tente. La pluie s'arrête un moment et je me rends à l'emplacement indiqué. Il s'agit d'un champ en friche situé au dessus des habitations. L'herbe y est assez haute mais le terrain est globalement plat. Je m'y installe à proximité d'arbres et de broussailles qui bordent le champ.

Vendredi 30 Avril

       Mon sommeil n'a été que modérément troublé par le vent et la pluie qui n'a cessé de tomber durant toute la nuit. J'entr'ouvre à mon réveil la fermeture éclair de ma tente afin d'évacuer l'humidité de l'intérieur et attend une heure et demi avant de plier mon paquetage. J'essaye de ne pas trop poser mes affaires sur l'herbe mouillée environnante.

      Je finis par partir en direction du sud en suivant les petites routes qui bordent les champs. La pluie, qui s'ést presque arrêtée depuis mon réveil, regagne en intensité, m'aspergeant par de temps en temps de grosses gouttes serrées. Mon jean est rapidement trempé mais je poursuis mon chemin sans m'en préoccuper.

      J'arrive à La Bégude de Mazenc et, comme il est trop tôt pour téléphoner à ma famille, je traverse le village pour suivre la direction de panneaux indiquant les ruines d'un prieuré à quelques kilomètres.

      Je marche longuement sur une route assez fréquentée qui monte dans les montagnes. Je fais une petite pause dans une cabane aux murs en béton coffré, fissurés de toutes part, et au toit improvisé de deux tôles ondulées mal agencées.

Une éclaircie fort appréciée survient alors. Je me remet en marche en profitant de ce répit météo. Des volutes de vapeur émanent du goudron chauffé par le soleil. L'atmosphère se chargeen humidité, devenant lourde et moite.

       J'arrive sur la commune très dispersée du petit village d'Aleyrac. Je prends une route sur la gauche en pensant y trouver un téléphone mais je tombe dans un hameau où un monsieur m'indique que la seule cabine du village se trouve à coté de la mairie, de l'autre coté des collines. Préférant toujours éviter le bitume je choisis de m'y rendre en traversant la montagne, même si c'est un peu plus long. Je passe une exploitation agricole et commence à gravir le versant de la montagne lorsqu'éclate un violent orage. En un rien de temps me voilà trempé jusqu'au os !

Je m'arrête un instant pour contempler de ma position surélevée les nombreux vallons que je viens de passer. La pluie les transforme en une série de dégradés pastels magnifiques. Quitte à être mouillé, autant profiter de ce spectable.

      Je redescends finalement sur l'autre versant où se sont formés une multitude de petits ruisseaux ravinant la terre sableuse pour se rejoindre en de petits torrents boueux. Je gagne alors une route au niveau du cimetière abritant l'unique tombe du village. Après un instant d'hésitation, ne sachant pas si j'ai ou non dépassé la mairie, je reprends ma marche et arrive à la cabine.

      L'endroit est très joli. Un énorme corps de ferme en ruine siège à coté une petite chapelle. Le bâtiment de la mairie, plus récent, se dresse en face d'un grand pré où paissent une quinzaine de vaches accompagnées de leur petits veaux. Je passe mon coup de fil et apprends que la fameuse carte bancaire est enfin arrivée.

Je m'abrite sous le préau de la mairie un moment et vois arriver une dame  sympathique, secrétaire de mairie, qui m'invite aimablement à entrer dans son bureau chauffé. Nous discutons pendant une bonne heure jusqu'à ce qu'un coup de foudre fasse sauter l'alimentation électrique. Presque au même moment arrive la Xsara de mes grand parents, conduite cette fois par mon père.

ADès son arrivée, ma grand-mère s'affaire à remplacer mes vêtements mouillés par des secs et me sort à manger plus que de raison. Mon grand-père et mon père, pendant ce temps, contemplent les lieux.

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Une fois le ravitaillement accompli, sous le soleil qui refait une apparition, ma famille repart. Je me remets en marche muni de ma carte bleue tant attendue. Je suis un chemin qui mène sur la route du cimetière.

Il est 18h30. Je pars à la recherche d'un coin pour installer ma tente. Après un bon  moment je trouve un coin d'herbe pas trop mouillé et un peu abrité du vent. Il s'agit des abords pratiquement plans d'un sentier qui descend dans une jolie forêt de chênes et de pins.

8 mai 2004

Départ lundi 26 avril et mardi 27 avril 2004

Lundi 26 Avril

Bon ! Ça y est  cette fois c'estcartes_2604_edite la bonne ! Me voilà reparti sur les routes après un départ différé pour des raisons plutôt logistique. En effet, ma carte de retrait internationale n'arrive toujours pas  je décide de partir sans elle, et conviens avec ma famille qu'elle me l'apporte si elle arrive au cours de la semaine. Je pars donc avec mon sac de près de 25 kg sur le dos suivant un itinéraire légèrement différent du précédent. Le temps est splendide ce lundi 26 avril. Je marche un bon moment sur le bitume bien que cela ne m'enchante guère, j'ai pas d'autre alternative au début du voyage, je parviens  néanmoins à  emprunter quelques chemins  traversant des collines boisées où siége un camp d'entraînement militaire, je présume que ma présence en ce lieu  ne doit pas être tolérée à en juger par les panneaux plantés un peu partout stipulant que toute intrusion dans ce périmètre peut entraîner des poursuites judiciaires. Je contourne donc ce camp en empruntant un chemin de terre complètement défoncé, puis des bordures de culture avant de retrouver un chemin de campagne descendant vers la route que je me  résigne à suivre. .. J’arrive à Beaumont lès valence.

J’envisage de refaire le plein de ma réserve d'eau, mais les fontaines du village sont toutes hors gel, c'est une brave dame qui m'offre aimablement de quoi me désaltérer. Je m'accorde ensuite une demi heure de répit dans un petit bois surplombant le village, j'en profite pour apporter quelques ajustements à mon sac,  je me remets en marche, chemine un long moment sur la route et j'arrive à Montmeyrand. Je commence  a avoir mal aux pieds, je me mets à la recherche d'un endroit pour passer la nuit, je sors du village pour trouver un coin convenable, j'opte pour un champ inculte situé en face d'une installation comprenant un silo à grain produisant un relatif vacarme  jusqu'a 22h00.

Mardi 27 Avril

Au réveil une humidité dense a envahi ma tente, sans doute due à l'épaisse couche d'herbe, sur laquelle je me suis installé, ajoutée à la rosée matinale qui a trempé la végétation environnante ainsi que la toile extérieure de ma tente. J’attends que le soleil surgisse de derrière les collines pour plier le camp, j'espère que ses rayons sècherons mon équipement avant que je ne l'enferme dans mon sac.

Le temps s’annonce clément et, un peu lassé de marcher sur la route, je décide d’aller vers la Baume Cornillane.  Escale de mon précédent parcourt  qui m’intriguait par la ruine médiévale qui la domine et qui est visible d’assez loin.

Je marche donc dans cette direction, franchissant la ligne TGV, et entre dans le village gravissant la côte conduisant aux vestiges. Là je suis déçu de voir la façon dont sont conduits les travaux de rénovation. Bien que le désastre ne soit pas aussi important qu’au château de Crussol, je trouve dommage que les consolidations soient faites avec un ciment moderne plutôt qu’avec des matériaux qui s’utilisaient à l’époque de la construction. Pire encore, les immondes blocs de béton, renfermant les projecteurs sensés mettre en valeur les ruines en nocturne, défigurent le cite en plein jour. Je suis peu être trop perfectionniste mais je trouve absurde que des travaux de restauration soient réalisés dans une totale ignorance des contraintes qui existaient lors de la construction.

Je m’accorde un moment de repos en haut de ce chantier pour soulager mes chevilles, et repart en direction de Ourche, passant tour à tour en bordure de champs, de chemins et de routes de campagne. Je passe un coup de fil à mes grands parents pour savoir ou en est cette histoire de carte bleue, toujours rien au courrier du jour ! Je continue ma route en la ponctuant de pauses brèves mais fréquentes. Après avoir longuement suivit le cours d’un ruisseau, guettant l’opportunité de le traverser, j’arrive à La Rochette, ou je ne vois personne, mais profite volontiers de sanitaires et éviers mis à la disposition des gens de passage.

Je repart ensuite vers Vaunavey en utilisant les routes les moins fréquentées, même si mon parcourt s’en trouve rallongé. Dans le village je remarque de magnifiques remparts et reste consterné devant les abominations commises un peu plus loin, en effet, à l’intérieur de l’enceinte sont construites des maisons moderne en parpaing dont les architectes n’ont pas hésité à démolir ou percer ces murs plusieurs fois centenaire pour que ces nouvelles constructions sans âmes soient équipées de double vitrage avec une vue magnifique sur le reste du village. Je repas déçu et énervé par le mépris de certain envers notre patrimoine architectural. Sans trop me soucier de l’endroit  où je vais arriver, je prends les chemins que je croise, et que je trouve assez jolis et peu fréquentés, rendant ma promenade très plaisante.

J’arrive finalement sur une route départementale au dessus de laquelle je dresse ma tente dans un champ inculte, en essayant cette fois-ci de ne pas trop couvrir d’herbes hautes… La nuit se passe bien malgré le bruit de la circulation. Le ciel est brumeux mais l’humidité ressentie hier au réveil n’est pas présente aujourd’hui. Je me remet en marche et arrive rapidement à Crest. La grande tour sarrasine se dresse à ma gauche, pour avoir eu l’occasion de la visiter je n’envisage pas de m’y rendre. Je traverse la Drome sur un pont de bois et après avoir évolué dans des quartiers résidentiels je débouche sur la voie rapide reliant le Diois, je bifurque à droite à un carrefour vers une petite route de campagne avec dans la tête l’intention de franchir  la petite chaîne de collines qui s’annonce, mais la route se divise et chaque ramification me conduit dans des cours de fermes. J’avance aussi loin que possible et décide d’atteindre l’autre versant en coupant à travers les bois. Je franchis dans un premier temps des clôtures puis des sous-bois broussailleux, avant de déboucher sur un chemin de pierre serpentant au dessus des champs.

J’aperçois en contrebas le village de Aouste sur Sie, et je décide  aller y passer mon coup de fil quotidien, j’emprunte alors un chemin de terre perpendiculaire au premier qui descend droit dans la pente, la descente est raide,  et j’arrive au village. Je fais des provisions d’eau, et apprend que ma carte bleue n’est toujours pas là, mon grand père me suggère d’aller en direction de Saou, comme je n’ai pas réellement d’itinéraire à respecter, je prends cette direction. Je commence à marcher quand plusieurs voitures me dépasse rendant ma progression inconfortable, fuyant cette circulation je prends, sur la gauche, une petite route nettement plus pentue, je dépasse un élevage de dindes puis la route se change en chemin rocailleux. …je ne me sens pas très bien ! J’ignore s’il s’agit d’un excès de soleil, du manque de nourriture ou d’un germe microbien qui traînait chez moi avant mon départ, mais je me ccsens nauséeux et j’ai un peu froid malgré le temps doux…

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Je croise un lièvre, au détour du chemin, il semble aussi surpris que moi au point qu’il en oublie de détaller pendant un instant. Je m’accorde une nouvelle pause à un endroit plan du chemin et j’y somnole une demi heure à l’ombre des arbres. Je décide de repartir et constate qu’une colonie de Fourmies a investie mon sac et je m’empresse de les déloger, je reprends ma progression et après un moment de tout terrain,  je retombe sur la route de Saou que j’ai quitté seulement 3 km plus tôt. Mon escapade à travers les collines n’a clairement pas été un raccourcit, mais peu importe, je ne la regrette pas, la route me parait à présent moins fréquentée, je la suis donc sur quelques kilomètres avant de repérer un petit pré coincé entre la route et un ruisseau, l’endroit est verdoyant et bien abrité du vent. Je décide de manger quelques pissenlits et primevère puis de planter ma tente pour passer la nuit, en espérant que je me sentirai mieux demain.

24 avril 2004

Juste avant le deuxième départ

Bon, me voilà prêt à present. J'ai apporté quelques modifications mineures à ma tente afin d'accroitre la protection quelle offre contre les courants d'air en cousant des morceaux de polyester au dessus des moutiquaires latérales. J'ai conservé toutefois la possibilité de les rouler pour ne pas trop souffir de la chaleur estivale.

J'ai également acheté une nouvelle paire de chaussure identique à celle que j'avais acheté pour mon premier essai pour remplacer la paire de baskets que je jugeais assez peu adaptée au type d'exercice que je pratiquais. J'ai aussi modifié quelque peu mon inventaire, retirant quelques objets et en ajoutant d'autres. Notament un tapis de sol qui, je l'espère, me préservera un peu du froid que j'ai ressenti durant les trois nuits de ma première expédition.

Il ne me reste plus qu'à attendre de recevoir par la poste la carte de retrait internationale que j'ai commandé. J'ai pris cette carte pour rassurer mes proches et non parce que j'en éprouvais le besoin. En effet, ce type d'équipement est assez contraire à l'état d'esprit avec lequel j'ai entrepris ce voyage. Il est vrai que de pouvoir disposer d'argent à tout moment retire une bonne partie de l'intérêt de ce voyage. Toutefois, comme je dispose de la volonté nécessaire, je pense, pour rester fidèle à mes motivations premières, je veillerais à ne pas utiliser cette carte excessivement. Le fait d'éviter les grandes agglomérations devrait d'ores et déja restreinte les opportunité que j'aurais de retirer de l'argent, et ce n'est pas plus mal.

Mon départ est donc très proche. Comme prévu je tâcherais de transmettre des nouvelles régulièrement à mes parents qui ont la tâche de les retranscrire ici. Merci pour tous vos commentaires et n'hésitez pas à en rajouter, je serais ravi de les lire à mon retour. Il est fort probable que les prochains récits soient beaucoup plus synthétiques, mais je ne manquerais pas de les développer à mon retour, jour après jour, comme je l'ai fait jusqu'à maintenant. A bientôt peut-être sur les chemins !

16 avril 2004

Mercredi 24 Mars

Mercredi 24 Mars

Il a plu toute la nuit. Une pluie fine et régulière précipitée sur matente par de violents coups de vents. J'ai mieux dormi qu'hier cependant, les bourrasques ne secouaient pas  la toile trop vivement et le sol offrait un moelleux relatif mais appréciable. Seul le froid s'insinuant par en dessous et la pente du terrain m'ont perturbé un peu. J'ai tenté de m'isoler du froid en étendant ma couverture de survie sur le sol mais le résultat n'était pas des plus satisfaisants. J'ai du également me repositionner plusieurs fois au cours de la nuit pour compenser le glissement vers le fond de mon abri, à cause de l'inclinaison du sol. Je devais eviter de mettre en contact mon duvet et la moustiquaire verticale qui, si elle venait à toucher la toile extérieure,finissait par laissait passer l'eau de pluie.

J'attends un peu en espérant que le temps s'améliore, mais lorsque je jette un coup d'œil à l'extérieur je me rends vite compte que l'éclaircie n'aura pas lieu avant plusieurs heures, si toutefois elle a lieux. Je plie donc mon barda en essayant de le mouiller le moins possible puis je reprends ma marche à 7h20.

La technique d'habillement que j'ai adopté qui consiste à enfiler le k-way au dessus du T-shirt et d'empiler ensuite vêtements et blouson par-dessus semble porter ses fruits. Mon blouson sèche beaucoup plus vite de l'extérieur que de l'intérieur et, ainsi, seul mon T-shirt est mouillé de sueur le soir, ce qui me permet de conserver des affaires sèches plus longtemps.

Je marche en continuant sur même route qu'hier. Le ciel est gris et la lumière du jour est laiteuse et diffuse. L'humidité ambiante forme une sorte de brume grisâtre troublant un peu ma vision.

Après une grande descente j'arrive sur une intersection. Des panneaux routiers me donne une indication sur ma position et je décide de poursuivre sur la route la plus petite, espérant qu'elle sera moins fréquentée. Je longe un champ de choux et franchis un petit pont au dessous duquel git une épave de voiture calcinée, à moitié immergée dans l'eau presque stagnante du ruisseau. Visiblement la carcasse est là depuis longtemps et je reste un moment à observer les traînés arc-en-ciel de carburant à la surface de l'eau.

Je suis un peu navré qu'une telle pollution soit accomplie sans que personne n'y attache d'importance, mais dans un sens je suis dans une zone où la terre est soumise à la culture intensive et où les véhicule passent et repassent en permanence. L'environnement a déjà bien souffert ici. 

Je poursuis mon chemin. La circulation automobile se fait de plus en plus dense et les poids lourds soulèvent l'humidité du bitume pour me la projetter à la figure. J'emprunte  la premiere route secondaire que je vois pour échapper à ces conditions pénibles. Dès lors le terrain se met à monter et  je progresse lentement sur une côte sinueuse à plus de douze pourcents. C'est physiquement plus difficile, mais le cadre devient bien plus plaisant, je préfère.

J'arrive à Auriple-le-péage, un petit hameau où je me réapprovisionne en eau à un bassin. Je croise quelques personnes qui discutent. Je les salue d'un signe de tête avant de continuer. A la sortie du village un enclos  partiellement arboré  renferme quelques poneys et chevaux qui m'observent avec intérêt et curiosité.

La pluie s'est arrêtée mais le vent est plus présent sur cette petite route. Les bornes kilométriques m'indiquent la distance me séparant du prochain village : Puy-Saint-Martin. A en juger par les indications de ces plots en béton, je dois tenir une moyenne de cinq ou six kilomètres à l'heure.

J'arrive à une sorte d'aire de repos assez vaste, située à l'intersection entre la petite route que j'arpente et une voie à grande circulation. Sans doutes s'agit-il de celle que je suivais tout à l'heure.

Me voilà sur une butte et je discerne en contre-bas le village mentionné sur les bornes. Il me reste encore quatre kilomètres à parcourir en descente avant d'y parvenir. Aucun autre moyen d'y accéder que de longer cette route très fréquentée. Je m'y résigne donc et marche d'un bon pas, essayant à plusieurs reprises de franchir le fossé et de marcher dans l'herbe un peu en contre-haut de la route. Une démarche motivée autant par mes préférences en terme de confort que par la recherche d'un sentiment de sécurité.

Malheureusement les arbres m'entravent freinent considérablement ma progression et je finis par me résoudre à poursuivre ma descente en bordure du goudron.

J'arrive enfin dans le village. Je repère une cabine téléphonique un peu après une station service et je décide d'y passer un coup de fil à ma grand-mère pour dire que tout va bien. Je tombe sur le répondeur et y laisse un message.

Ensuite je me met en quête d'un endroit où faire une petite halte et trouve un point d'eau non loin de la mairie. Je m'y abreuve après avoir posé mon sac quelques minutes, soulageant ainsi mes épaules. De nouveau le froid engourdit mes membres.

Cette halte serait la bienvenue mais aucun endroit ne semble offrir un abri convenable contre le vent et le froid. Je demande à tout hasard à la mairie si un local était mis à la disposition des randonneurs mais l'employée me répond que la seul structure qui pourrait convenir est un local en préfabriqué dans lequel les employés municipaux vont casser la croûte à midi. J'aurais donc la possibilité de me joindre à eux, mais je devrais pour cela attendre presque trois quarts d'heure que le local ouvre. J'hésite un moment puis préfère reprendre ma marche en direction du prochain village.

En remettant mon sac sur mes épaules, j'entends un craquement. Mon k-way vient de se déchirer. Je n'y accorde pas trop d'importance et poursuis ma progression.

Je marche sur une petite route de campagne plane traversant des champs en friche ou fraîchement labourés. Les courbatures se font à nouveau sentir et  je commence a réfléchir sur ce que j'ai déjà accompli en ces trois jours.

Sur le plan physique, ça va. Je manque certainement d'entraînement, mais ma condition s'améliorera au fur et à mesure de ma progression. Même la faim ne m'a pas trop gêné, je ne l'ai d'ailleurs presque pas ressentie malgré le peu de choses que j'ai mangé pendant ce voyage et l'effort que j'ai fourni.

Le matériel en revanche nécessiterait quelques modifications mineures. En arrivant dans le village de Charols je trouve une cabine téléphonique et demande à mes grands parents de venir me chercher.

En attendant qu'ils arrivent, je vais prendre une bière dans un petit café restaurant où les gens du coin terminaient de prendre le café. Un camion de Bourganelle, une bière aromatisée à la châtaigne et brassée en Ardèche, est garé devant le commerce. Cela fait longtemps que je n'ai pas eu l'occasion d'en boire et décide donc d'en commander une.

Peu à peu les clients retournent travailler et, seul à présent avec la patronne, j'engage la discussion. Nous abordons plusieurs sujets et notamment le fait que les petits villages comme Charols souffrent d'un dépeuplement important, se changeant peu à peu en citées dortoirs. Certaines communes ont même décidé, selon elle, de mettre en vente leur église faute de pouvoir en assurer l'entretien ou de n'avoir plus d'homme de foi pour assurer leur fonction en ces lieux.

Bien que je ne sois pas  du tout porté sur la religion, je trouve dommage que de tels édifices soient transformés en lofts ou autre.

Au bout de deux heures la Xsara de mes grands parents arrivent enfin. Nous prenons un chocolat chaud et  rentrons finalement à Valence. Je narre en synthétisant les trois nuits que j'ai passé et tente de retracer mon parcourt sur une carte. Bien qu'il soit assez difficile de déterminer avec précision mon itinéraire, je pense avoir accompli entre 70 et 80 kilomètres, ce que je trouve assez convenable pour un premier essai. Je met à sécher mes vêtements et vide mon sac pour éviter l'apparition de moisissures et commence a réfléchir aux modifications à apporter à mon matériel. Prochain départ prévu pour les 25 Avril.

4 avril 2004

Quelques commentaires

Petite erreur d'édition, je laisse toutefois vos commentaires qui se portent sur le récit du Mardi 23 Mars.

4 avril 2004

Mardi 23 Mars

Mardi 23 Mars

La nuit a été longue. Peu après que l'obscurité soit tombée, de violentes bourrasques de vent ont assailli la montagne, s'engouffrant dans les vallons alentours, sifflant dans les branches des résineux en un brouhaha intermittent.

Une pluie fine s'est mêlée peu à près à ces courants d'air, se changeant en grésil de temps à autre. La température chuta encore, certainement en dessous de zéro.

Malgré un arrimage suffisant de ma tente, les coups de vents rageurs  agitaient la toile extérieur de ma tente en un flottement frénétique que j'avais peine à ignorer pour dormir. Le sol, bien qu'isolé de mon corps par l'empilage des couches de textiles de ma tente, de mon duvet et d'un pull polaire, me transmettait sa froideur qui s'insinuait jusqu'à mon dos.

De plus, la dureté de cette couche rocailleuse m'obligeait à rechercher sans cesse de nouvelles positions.

En somme, je ne pus correctement dormir que jusqu'à 23h00, heure à laquelle j'ai daigné regarder ma montre afin de savoir combien de temps je devrais encore attendre avant l'aube. Presque sept heures à tenter de dormir sans réellement y parvenir, c'est l'horreur.

La clarté du jour arrive enfin. Une luminosité diffuse et laiteuse, atténuée par l'épaisse couche de nuages et  le nylon vert foncé de la toile de ma tente. J'entends toujours le grésillement des gouttes de pluie rebondissant sur mon abri.

Il fait encore froid et je reste emmitouflé dans mon duvet en attendant que le soleil soit plus haut, espérant qu'il réchaufferait l'atmosphère. Avec un peu de chance la pluie cessera, du moins le temps que je replie mon barda.

Il doit être un peu plus de 7h00 quand s'interrompt le bruit de la pluie. Je saisie donc l'opportunité pour m'habiller et plier le camp.

Il fait bien jour à présent et le ciel est toujours aussi menaçant. La falaise au dessus de moi et noyée dans une sombre couche de nuages qui semblent glisser contre elle en se déformant lentement. Des volutes plus claires et portées par des courants d'air plus rapides ricochent sur la roches et les autres nuages puis se disloquent avant de disparaître.

Je me dis qu'il ne devrait pas tarder à re-pleuvoir, mais c'est sans réellement me hâter que je reprends ma marche. De toute façon je n'ai qu'une idée assez approximative de l'endroit où je me trouve et de la destinatio où me conduira le chemin que j'emprunte.

Pour me préserver du froid, j'enfile mon K-way par-dessus mon blouson, pensant ainsi pouvoir par la même occasion isoler ce dernier de la pluie et ne pas avoir à le mettre à sécher plus tard.

Rien à l'horizon ne laisse présager une acalmie de la météo, mieux vaut être prévoyant.

Des deux chemins qui s'offrent à moi, l'un monte face aux falaises, l'autre continue dans le sens de la vallée, longeant le flanc de la montagne en descendant. Je décide sans trop hésiter de prendre le second. J'ignore à quelle altitude je me trouve à présent, mais si je continue à monter je risque de me trouver confronter à des condition climatiques  rigoureuses que mon équipement ne me permettra pas de braver.

J'entame donc la descente sur le large chemin rocailleux bordé de résineux au tronc torturés. De temps à autres les bourrasques frappent mon sac sur le coté, me faisant légèrement défier de ma trajectoire. Au fur et à mesure de ma descente la montagne me préserve du vent jusqu'à pratiquement ne plus le sentir. Pourtant je ne l'oublie pas. Son passage bruyant dans les cimes des arbres et le manteau nuageux malaxé par les courants d'air au dessus de moi ont quelque chose de très impressionnant.

Le chemin arrive à son point le plus bas. Un petit ruisseau traverse le chemin à cet endroit. Sans doute est-il né des pluies de la nuit dernière. Je l'enjambe en deux foulées et poursuit ma route qui monte à présent sur la montagne d'en face.

Là encore des crottins de chevaux me montrent que l'endroit est assez régulièrement fréquenté. Le chemin monte maintenant beaucoup et la terre mouillée, recouverte par endroit de feuilles de chêne, le rend assez glissant. Je progresse avec prudence d'autant plus qu'il devient plus étroit et des pierres instables  dispersées sur  le sentier s'ajoutent à la difficulté.

J'arrive enfin à une partie globalement horizontale du sentier. J'ai dépassé un embranchement un peu plus tôt et ai préféré emprunter la voie qui, selon ma boussole, me conduirait vers le Sud Ouest, synonyme de rapprochement de la plaine de la vallée du Rhône et de ses altitudes plus accessibles.

Je sens à nouveau le vent. Pas aussi violemment qu'à l'endroit où j'ai passé la nuit, mais il est là, pas très loin, passant à quelques dizaines de mètres au dessus de ma tête. Je progresse de plus en plus difficilement. Le sentier  n'est pratiquement pas entretenu et je suis contraint de me baisser légèrement pour éviter quelques branches qui me déséquilibrent en frottant contre mon sac. 

Au dessus et en dessous de moi les pentes s'accentuent et des rochers se découvrent par endroit. J'analyse ma position tout en progressant et me dis que je devrais peut être songer à rebrousser chemin si les conditions de marche se détériorent encore. Je débouche finalement dans ce qui ressemble à un vallon creusé naturellement par le ruissellement de l'eau. Le sentier  s'est interrompu subitement mais la petite côte sur laquelle je me trouve a l'air moins périeuse que les derniers mètres que j'ai parcouru.

Je décide donc de continuer, grimpant lentement dans l'épaisse couche de feuilles qui m'arrive à mi-cheville. De nombreux tronc et branches se sont couchés en travers du passage, formant des obstacles de cinquante centimètres à un mètre de haut. Je les enjambe ou les déplace pour me frayer un passage. La progression n'est pas très difficile mais assez lente, je m'en rend compte.

La cime de la montagne vers laquelle je me dirige n'est toujours pas en vue et les obstacles  deviennent de plus en plus nombreux et difficiles à franchir. J'analyse à nouveau ma position et décide de couper à travers la végétation en grimpant directement sur le versant de la montagne à ma gauche. La pente est nettement plus abrupte mais l'inclinaison naturelle a favorisé la chute des branches dans le même sens, vers le vallon dans lequel je me trouve.

Je scrutte un instant le versant et repère un premier itinéraire par lequel je pense pouvoir progresser plus aisément. Je m'élance ensuite dans cette ascension, zigzaguant entre les troncs et les souches pourries. Des grincements assez lugubres se font entendre un peu de partout, conséquence du frottement de quelques branches agitées par le vent sur des troncs rendus plus immobiles par leur rigidité.

A plusieurs reprise j'ai crois déceller une présence à cause de ses bruits, évoquant tour à tour des bruits de pas ou des cris d'animaux, jusqu'à ce que je réalise quelle en était la cause. 

Ca y est, j'arrive en haut de la montagne. Les arbres se sont changés en bruissons de buis et de genièvrier. Je regarde un moment autour de moi et  localise rapidement un autre sentier clairement entretenu. Aucun balisage n'est toutefois visible mais, après un court moment d'hésitation quant à la direction a prendre,  je décide de prendre sur la gauche.

Le sentier descend et s'élargie, devenant aussi large qu'un chemin de campagne mais trop  défoncé pour être praticable autrement qu'à pied. Je marche d'un bon pas. La pente est assez douce et le sol en  terre bien dammée favorise ma progression.

Peu à peu les arbres refont leur apparition. J'entends à nouveau quelques gouttes de pluie fine frapper la toile imperméable de mon sac et de mon Kway. Pendant une bonne heure j'avance ainsi, montant et descendant sur les différentes collines que traverse le sentier qui devient de plus en plus large et facile d'accès. J'arrive à un embranchement où un panneau indique l'altitude : 603 m.

Cela me donne la première indication altimétrique sur l'endroit où j'ai passé la nuit précédente.

Je poursuit sans trop m'attarder devant cette inscription et arpente un nouveau sentier un peu plus abrupte  et jonché de pierres instables. Comme précédemment, je préfère ralentir mon rythme et assurer chacun de mes pas pour ne pas risquer l'entorse.

La pente s'adoucie à nouveau et le chemin s'élargit en ce qui semble être une voie fréquemment utilisée par les véhicules agricoles. Une jeune femme faisant un footing avec son labrador noir me dépasse. Je dépasse quelques fermes en pierre, apparemment récemment rénovée, et arrive devant la porte fortifiée et  bordée de remparts du village de Cobonne.

Un lavoir est mis à la disposition des gens et j'en profite pour refaire le plein de mes réserves d'eau. Je traverse ensuite le village en saluant les personnes que je croise. L'endroit est joli : un petit village médiéval fortifié dans lequel toutes les constructions ont été effectuées dans le style originel.

Le temps se gâte à nouveau. Une pluie assez soutenue commence à tomber. Je décide de m'abriter sous une voûte romane en attendant que l'orage passe. J'en profite pour grignoter les tranches de pain et le quignon de saucisson que m'ont laissé mes grands parents hier.

Je constate rapidement que mes vêtements sont trempés malgré mon Kway. L'humidité ne venant pas seulement de la pluie mais aussi de mon corps dont la transpiration ne pouvait s'évaporer à cause  de la toile imperméable.

L'averse de pluie se change en grêle et la température de l'air ne doit pas être très loin de zéro car les billes de glace tiennent sur le sol. Le froid engourdit mes membres. J'ôte mon blouson en espérant que l'intérieur pourra sécher sous cette voûte et je change de sweet-shirt. Je veille à conserver des affaires sèches dans mon sac à dos et les isole d'un sac en plastique avant d'empiler par-dessus mes vêtements mouillés.

Pendant près de deux heure j'attend une amélioration de la météo. Quand l'occasion se présente enfin je repars après avoir effectué quelques mouvements d'échauffement. Je marche sur la route en direction d'Aouste-sur-Sye mais, toujours peu motivé par la marche sur le bitume, j'emprunte une petite route sur la gauche qui traverse la rivière et s'enfonce dans la colline d'en face.

Très vite, j'arrive dans une ferme. La route s'arrête ici et des champs s'étendent devant moi, par delà la vieille bâtisse habitée par un vieux couple. En veillant à ne déranger personne, je contourne la maison et longe la clôture qui borde le premier champ. Je vois à l'autre bout un chemin marqué d'empreintes de roues de tracteur et me dit qu'il doit certainement mener quelque part.

Les deux retraités me regardent passer et je les salue de loin. Le chemin conduit à un autre champ en pente laissé en jachère. Je le traverse et continue de gravir la pente jusqu'à ce que je repère un petit sentier. Je vois de nombreuses empreintes de chien au sol et en déduit que ce passage est sans doute utilisé par les chasseurs, à moins qu'il ne s'agisse que de promeneurs.

Le fait est que ce sentier est fréquemment utilisé et doit par conséquent conduire quelque part. Je traverse en quelques minutes une colline arborée et débouche sur une petite route rectiligne longeant des champs de choux. Quelques rayons de soleil percent et j'en profite pour cueillir quelques feuilles sur les plants de choux et les grignote tout en marchant. Les végétaux sont frais et humide et j'apprécie leur saveur crue, sans sel ni condiment quelconque. C'est agréable.

Je continue à expérimenter les goûts des plantes qui passent à ma portée, me référant à mon livre. C'est ainsi que j'ai découvert une plante pourvue de longues aiguilles souples qui, lorsqu'on les mâche, libèrent  des arômes de thé.

Cet instant ne dure toutefois que trop peu de temps. Très vite le soleil disparaît à nouveau derrière les nuages et les bourrasques se remettent à ébranler les arbres alentour. Je reprends ma marche en descendant la route alors que la pluie recommence à tomber. Je dépasse un caravaning pratiquement désert, puis quelques maisons récentes, une sorte de lotissement et arrive enfin à Aouste-sur-Sye.

La pluie se renforce encore et je décide de faire une halte sur le pas de l'église en attendant que ça se calme. Je m'assied et rédige mes quelques notes sur mon journal.

Comme précédemment, l'interruption de l'effort me fait ressentir d'avantage mes courbatures et mes membres s'engourdissent de nouveau à cause du froid. Je constate que mes réserves d'eau s'amenuisent et dès que la pluie s'interrompt, je repars en quête d'un point où me réapprovisionner.

Malheureusement, la municipalité a coupé l'eau, sans doute pour prévenir le gel.

Je me résigne donc à partir en me disant que je me réapprovisionnerais dans un autre village. Je sors donc de la petite ville, traversant une Drôme à l'eau tumultueuse et d'un beau vert. Je franchis une voie rapide et prends la direction de la forêt de Sâou.

La route sur laquelle je marche et assez fréquentée et les quelques petites montagnes vers lesquelles je me dirige ont leur cime plongées dans d'épaisses couches de nuage. Je décide à nouveau de bifurquer sur une petite route de campagne. Je dépasse quelques propriétés gardées par des chiens qui aboient tant que je demeure dans leur champ de vision.

En dessous de moi les champs en jachère se succèdent aux terres fraîchement labourées. Au dessus, des arbres bordés de clôtures grillagées. Je progresse régulièrement en suivant les montées et les descentes de la route. Le temps passe, il est déjà 17h30.

Vu que les alentours semblent être découpés en propriétés délimitées de barrières diverses, je me dis que je devrais commencer à rechercher dés à présent un endroit où poser ma tente pour la nuit. Je repère dans un premier temps un coin de terre sur lequel pousse une herbe épaisse et où des genres de roseaux secs jaillissent entre les mottes. Je parcours un instant l'endroit pour évaluer la protection qu'il pourrait me fournir contre le vent, mais après une rapide inspection, je décide de rechercher un endroit plus approprié.

Je repère un peu plus loin un champ  sur lequel ont commencé à pousser quelques semis, peut-être du colza, difficile à identifier, je ne m'y connais pas assez. Au bout du champ une colline clairsemée de petits résineux et au sol recouvert d'une herbe épaisse me semble être adéquat. Je recherche un moment un espace suffisamment vaste pour y planter ma tente et commence mon installation. L'herbe est détrempée et je prends quelques précautions pour éviter de mouiller inutilement la toile intérieure de ma tente et mon duvet.

Vers 18h00 ma tente est montée. Je dépose mon sac dans le hauvent et en sort mes habits humides en espérant qu'ils sècheront pendant la nuit. L'herbe épaisse assure un certain moelleux à ma couche, chose que je pense apprécier malgré le fait que le sol soit pentu.

J'ai encore suffisamment de clarté pour compléter mon journal et je mange quelques cacahuètes laissées elles aussi par ma grand-mère à Barcelonne.

La nuit tombe doucement et la pluie fine continue de tomber. Je me glisse dans mon duvet et  m'efforce de dormir. 

25 mars 2004

lundi 22 Mars

Lundi 22 Mars

Réveil à 6h00. La nuit a été plus froide que je ne l'aurais cru mais mon duvet m'assurait une protection correcte contre la baisse de la température, hors mit peut-être au niveau des pieds. Je tâcherais de dormir avec des chaussettes chaudes dorénavant.

La pluie s'est arrêté de tomber en début de nuit et, malgré mes efforts, je n'ai dormis que par intermittence, cherchant à identifier les sons alentours. C'est d'ailleurs lors d'un de ces réveils que j'ai passé la tête hors de ma tente et que j'ai pu observer un ciel étoilé somptueux comme il n'est possible d'en voir qu'à la campagne, loin des éclairages municipaux.

Les coqs commençent à chanter bien avant l'aube et me tirent du sommeil alors que ma tente est encore totalement plongée dans le noir. Seule une faible lueur bleutée provenant des étoiles de cette nuit sans lune me permet de discerner des coutures de la toile au dessus de moi.

A tâtons, je constate que mes vêtements de la veille sont encore humides.

Une fois que la clarté est suffisante, je me prépare pour la journée à venir, terminant de plier bagage vers 8h00.

Je pars alors en direction de la tour de Barcelone, un bâtiment que je peux voir en direction du Sud Est et que j’avais déjà visité plusieurs années auparavant.

J’emprunte les routes de campagne pendant un bon moment, me découvrant au fur à mesure que le soleil monte  et que la température s’élève. La journée s’annonce superbement ensoleillée et la marche dans ces conditions est un véritable plaisir.

J’envisage de partir en direction des montagnes, mais la fraîcheur de la nuit passée m’incite à une certaine retenue. Je me fixe comme limite de demeurer dans les vallées où la température nocturne, je pense, sera moins basse.

J’avance en me fiant à ma boussole, arpentant les petites routes et les chemins qui me semblent conduire dans la direction de la tour sans réellement savoir où ils débouchent : j’arriverais bien quelque part !

9h30 : On se croirait au début de l’été tant la température est agréable. Après être arrivé dans une ferme où la route que je suivais s’arrête, je prends un chemin en terre défoncé, suivant les conseils du monsieur sympathique chez qui je venais de débarquer et qui s’amusait avec son chien dans les champs bordant sa propriété.

Je progresse pendant quelques centaines de mètres dans la voie qui ne semble couramment empruntée que par les tracteurs et autres véhicules agricoles. Le chien, une sorte de  boxer,  me crie après pendant un bon moment pour signaler à son maître mon intrusion sur son territoire, mais demeure toutefois assez loin de moi. 

Un peu plus loin, le calme revient. Le Chemin se fait descendant et  je peux admirer sur ma droite, au dessus de moi, la fameuse tour de Barcelone éclairée en contre-jour par le soleil matinal. Je décide de m’arrêter ici quelques instant le temps de mettre à sécher mes affaires.

Je sors donc du chemin et étend mes vêtements et ma tente sur le versant ensoleillé de la colline. En contrebas un petit ruisseau inonde le vallon d’un murmure aquatique régulier. J’en profite pour m’y laver les dents.

La végétation environnante commence à fleurir et je m'essaie pour la premiere fois à reconnaitre et comparer les divers spécimens à ma portée avec ceux  mentionnés dans l’ouvrage sur les plantes comestibles que j’ai emporté.

J’expérimente aussi de goûter différents végétaux: feuilles de primeverts, bourgeons de ronce et les classiques feuilles et fleurs de pissenlits. Je quitte aussi mes chaussures et  passe un peu de crème anti-échauffement sur mes pieds, à titre préventif.

Je complète mon repas végétalien d’une barre de céréale et me détend encore quelque temps dans ce cadre reposant. Quelques chiens aboient non loin mais mis à part cela, rien ni personne ne vient interrompre ce repos.

Les courbatures au niveau des épaules et des hanches se font sentir, mais la douleur reste tout à fait supportable.

Je refais finalement mon sac après avoir vérifié que mon équipement ai bien séché. C’est à ce moment que je me rends compte que j’ai oublié l’argent que j’avais prévu d’emporter pour assurer ma correspondance. Je décide donc de palier à ce contre-temps et envisage de téléphoner à mes grands parents pour qu’ils me les apportent.

Je me dirige donc en direction du village et vers 14h00 je téléphone d’une cabine. Certaines instructions y sont affichées pour effectuer des appels en PCV, mais après deux tentatives infructueuses, je décide d’utiliser la carte téléphonique internationale dont je dispose, cela fera l’occasion de comprendre son fonctionnement !

Ma grand-mère répond et  nous nous donnons rendez-vous devant le lavoir de Barcelone. Je les y attends pendant un moment et ils finissent par arriver en voiture. Toujours prévoyante, ma Grand-mère a apporté un panier pour casser la croûte. Bien que je ne sois pas encore tiraillé par la faim, je mange fromage, saucisson et autres victuailles au pied du monument jouxtant le lavoir.

Pendant une grosse demi-heure nous restons là à profiter du soleil puis, après avoir récupéré mon argent et la carte téléphonique « télécarte » je repars sur la route en direction de la Baume Cornillane.

Au loin, sur les montagnes d’Ardèche, de sombres nuages s’amoncèlent et s’approchent de moi. Je marche sans trop m’en soucier prends une petite route sur la gauche pour éviter la progression sur bitume. Celle-ci se prolonge rapidement en un chemin caillouteux grimpant au sommet d’une colline voisine.

Le ciel est à présent complètement couvert. Un vent fort me fouette  de ses bourrasques entraînant avec lui quelques gouttelettes. Je couvre mon blouson de mon K-way et continue de marcher sur le chemin qui se rétrécie très vite un sentier équestre.

Ca et là des crottins révèlent le passage récent de montures. Des petits panneaux cloutés sur les arbres m’informent que l'itinéraire de randonnée à cheval est référencé sous le numéro 146. Je passe même quelques enclos depuis lesquels les chevaux parqués me regardent passer avec intérêt.

J’arrive vers 16h00 à la Baume Cornillane. La pluie fine qui tombait depuis quelques temps s’est arrêté mais la température a nettement chuté. Je décide de faire une petite pause pour soulager mes épaules, remplir ma petite bouteille d’eau, puis je repars en direction d'Ourche.

Le soleil refait une apparition, mais le ciel n’est plus aussi dégagé que le matin. Je longe à nouveau la route sur quelques kilomètres puis je tourne à nouveau sur la gauche en direction d’une crête rocheuse sur laquelle semble se tenir une ruine de tour de guet. La route monte de plus en plus et je passe enfin derrière cette crète.

Le soleil commence à redescendre, je sens qu’il ne me reste plus très longtemps avant la nuit et  aucun emplacement en vue ne me parait convenir pour planter ma tente.

Je passe une première ferme, puis une seconde devant laquelle un petit troupeau de brebis me regarde passer. J’arrive enfin en dessous de la ruine que j’avais cru repérer plus tôt. En fait, il s’agit bien d’une tour juchée sur un piton rocheux. Plusieurs remparts sont également visibles de ma position et les ruines d’autres bâtiments sont partiellement noyées dans la végétation. Au pied de ces vestiges, un petit hameau sans nom semble sceller l’accès à ces ruines que je trouve magnifiques. J’aimerais aller les visiter de plus près, surtout que j’ai vu une grotte là-haut, à quelques dizaines de mètres de la tour, mais un panneau stipule clairement que l’endroit n’est plus dans le domaine public, il s’agit d’un territoire privé.

Un peu frustré, je continue ma progression par le chemin qui monte à présent sur une deuxième colline.

J’arrive au sommet. Il est plus de 18h00 il me faut trouver un campement d’urgence avant la nuit. Je choisis donc un détour du chemin, un endroit assez plan à partir duquel le sentier principal se scinde en deux. Au dessus de moi la falaise est encore illuminée par le soleil tandis que je suis déjà à l’ombre depuis un certain temps.

Le sol est dur, mélange dammé de sable et de cailloux. Je plante ma tente sans trop de difficultés cependant et, alors que j’avais presque fini, j’entends arriver une voiture 4x4. J’ai crains un instant de n’être passé dans un endroit interdit ou privé et que quelqu’un ai signalé ma présence à des gardes forestiers ou un quelconque autre personnel chargé de la surveillance. Heureusement pour moi, le conducteur du véhicule n’est qu’un amateur de VTT venant faire un repérage des environs en vue d’une prochaine sortie.

Je termine donc de dresser mon campement et m’installe dans mon abri alors que la nuit est presque tombée.

25 mars 2004

Dimanche 21 Mars

Dimanche 21 Mars

Départ vers 15h10 de Valence en direction de Chabeuil. La progression en zone urbaine n'est pas des plus réjouissante mais j'arrive sans mal devant la porte fortifiée du village vers 18h. Je sais que le jour ne durera plus très longtemps et mon expérience dans le montagne avec ma tente n'étant pas encore très grande, je préfère me mettre à la recherche d'un endroit convenable pour y dresser mon campement.

Je choisis un terrain en jachère surplombant un champ de cerisiers en fleur. L'endroit offre une belle vue de la plaine.

Une pluie légère s'est mise à tomber mais le montage de la tente se déroule sans trop de difficultés. J'entrepose mon sac à dos dans le petit hauvent de mon abri en espérant que la toile extérieure suffira à le préserver de l'humidité tout en lui permétant de sécherun peu.

La nuit tombe doucement. Au loin des chèvres bêlent, annonçant sans doutes l'heure de leur traite. Quelques chiens aboient aussi. En tendant l'oreille, je perçois le grondement lointain d'une voie rapide mais ce bruit est en partie camouflé par celui d'un tracteur effectuant maintes manoeuvres dans les environs, non loin de l'endroit d'où aboient les chiens.

Mes épaules commencent à me faire un peu mal. Normal, me dis-je, ma condition physique n'est pas celle d'un athlète et mon sac à dos plein doit approcher des 25 Kg. Il va me faloir un temps de rodage, c'est sur !

J'étale les vêtement que j'ai porté dans la journée autour de moi dans la tente. La place dans le hauvent n'est pas suffisante pour les y étendre.

Je n'ai pas particulièrement sommeil, mais la nuit est là et je ne peux plus faire grand chose à part dormir. Il est 19h30.

20 mars 2004

départ

Bon, jour J+1....

je sais ca fait pas très sérieux, mais bon la pression familliale m'a contraint à différer mon départ d'une journée pour me permettre d'aller voter au premier tour des élections. Je pars donc demain, Dimanche en direction de l'Est.

Mon objectif à court terme étant d'évaluer mes aptitudes et la fiabilité de mon matériel, je vais effectuer une boucle d'une semaine reliant en gros Die  et Crest. Ensuite, si tout va à peu près bien, je me lance en direction de l'Italie via la côte méditerranéenne.

J'ai promis à mes parent d'envoyer une lettre chaque semaine et de leur passer un coup de fil à une fréquence similaire. Cela devrait vous permettre de recevoir des news assez régulièrement. N'hésitez pas à laisser des commentaires, je serais content de les lire à mon retour.

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